L’échappement à ancre dit “suisse” règne sur l’horlogerie mécanique sans discontinuer depuis sa mise au point en 1757 par Thomas Mudge, qui parvint à adapter l’échappement à ancre classique à des montres portables. Alors que cet échappement performant avait failli être à son tour oublié, son amélioration en 1825 par Georges Auguste Leschot l’a pleinement relancé. Depuis lors, son succès ininterrompu jusqu’à nos jours a fait l’essentiel des très riches heures de l’horlogerie suisse. Ce succès est dû à ses qualités intrinsèques: robuste, sûr, relativement facile à exécuter, l’échappement à ancre permet en outre un réglage de grande précision, contrairement à quelques uns de ses rivaux aujourd’hui disparus, tel l’échappement à cylindre, dont le réglage était beaucoup moins précis, ou encore l’échappement à détente qui était trop sensible aux chocs. (sur la renaissance de l’échappement à détente, lire dans Europa Star n° 320 l’article de Paul O’Neil consacré à Urban Jurgensen).
La violente tempête du quartz a failli faire passer ce dispositif de régulation mécanique une seconde fois aux oubliettes. Mais, on le sait, il en est ressorti plus fort qu’auparavant et, constamment amélioré, notamment en termes de rendement, l’échappement à ancre “suisse” continue, plus de deux siècles après sa mise au point, à équiper l’immense majorité des montres mécaniques simples ou de prestige. En-soi, la persistance de cette ancienne technologie est une anomalie unique en son genre: à part la bicyclette, quelle autre technique a ainsi perduré alors qu’elle était scientifiquement dépassée – en termes de chronométrie, du moins?
L’horlogerie mécanique ayant passé l’épreuve et s’étant vue confortée dans sa position prééminente en termes de prestige, l’échappement à ancre suisse a pu continuer son bonhomme de chemin, sans que rien ou presque ne vienne contrecarrer sa primauté. Outre ses avantages inhérents, l’échappement à ancre, ainsi diffusé sur une très large échelle, a pu aussi profiter des immenses efforts d’industrialisation et de rationalisation de sa fabrication. Et l’on sait que, contrairement à ce que l’on imagine souvent, industrialisation signifie, dans ce cas, une fiabilité améliorée.
Mais depuis quelques années, les horlogers, lancés dans une course en avant conceptuelle et économique cherchent à éprouver d’autres solutions d’échappements mécaniques qui pourraient leur procurer soit de meilleurs résultats, soit les distinguer radicalement de leur concurrence. Jusqu’à présent, aucune de ces solutions innovantes n’est venue durablement ébranler la suprématie de l’échappement à ancre, à la rare exception du choix fait par Omega de développer industriellement l’échappement co-axial inventé par George Daniels (à ce sujet, lire l’article de Paul O’Neil dans Europa Star n° 320).
Une marque, cependant, se distingue nettement dans ce paysage: TAG Heuer. En effet, depuis quelques années, TAG Heuer, engagé dans une véritable recherche scientifique, cherche à mettre au point de nouveaux échappements, radicalement différents, qui lui permettraient de dépasser certaines limites inhérentes à l’échappement à ancre suisse, notamment dans le domaine des hautes fréquences qui ouvrent à la possibilité de mesurer les temps très courts. (A ce sujet, lire notre article).
Mais si TAG Heuer est à la pointe dans ce domaine, d’autres maisons cherchent à mettre au point de nouvelles solutions, notamment du côté de l’échappement constant – la non constance linéaire de l’échappement à ancre étant une de ses faiblesses -, ou de l’hybridation.
Sur toutes ces avancées, en termes d’échappement mais aussi de nouveaux mouvements, nous consacrons l’essentiel de notre traditionnel numéro Europa Star Spécial Mécanique qui marque la rentrée horlogère.
Source: Europa Star August - September 2013 Magazine Issue