Planck, le satellite (pas le physicien, il est mort en 1947), vient de nous envoyer une photographie de notre univers qui remonte le temps à -13,8 milliards d’années, 380’000 ans après le Big Bang, une paille à cette échelle. Le même jour, Louis Moinet (la marque, pas l’horloger, il est mort en 1853), nous dévoilait le premier véritable chronographe jamais réalisé par l’homme, datant de 1816, soit 50 ans plus tôt que ce qu’on imaginait. Une poutre à notre échelle humaine.
Donc 13,8 milliards d’années et quelques pailles après le Big Bang, l’homme a réussi pour la première fois à calculer le 60ème de seconde. Certes, ce n’est pas avec cet instrument qu’il aurait pu chronométrer l’arrivée des premières lueurs de l’Univers: 10-43 seconde après le Big Bang, celui-ci entame son inflation, 10-19 seconde plus tard, la matière prend le pas sur l’antimatière (dont on sait qu’elle est là, largement excédentaire par rapport à la matière, mais dont on ignore toujours la nature et la substance), à 1 seconde d’existence, l’Univers est déjà une immense soupe de particules élémentaires. “Quelques milliardièmes de milliardièmes de milliardièmes de seconde après le Big Bang (le chiffre précis n’est pas encore connu), l’Univers passe d’une tête d’épingle à sa taille presque actuelle. Les mots en fait ne suffisent pas à décrire l’événement car l’expansion correspond en réalité à une multiplication des distances par 1025 , soit un”un“suivi de 25 zéros...”, explique Jean-Loup Puget, responsable d’un des instruments de Planck.
- La naissance de l’univers photographiée par Planck et le premier véritable chronographe jamais réalisé par l’homme, datant de 1816, de Louis Moinet.
Ce qu’il y a de désespérant dans cette histoire, c’est que notre nature humaine nous empêchera à jamais de simplement percevoir de telles dimensions, à la fois temporellement bien trop microscopiques pour nos sens et spatialement trop puissantes pour que nous ne soyons pas immédiatement désintégrés, redevenus en un instant poussière d’étoile que nous sommes. Et ce ne sont ni les 30 Hz (soit 216’000 vibrations/heure) du pionnier Louis Moinet, ni la poutre vibrante à 1’000 Hz et les 2’000ème de seconde du Mikrogirder de TAG Heuer qui y parviendront jamais.
Pourquoi racontons-nous ici cette histoire? Oh, c’est tout simplement, à la veille de l’orgueilleux rassemblement de tous les horlogers du monde, pour remettre un peu les choses à leur place. Nos efforts, aussi courageux, téméraires, inspirés soient-ils, ne nous feront jamais gagner que quelques maigres fractions de seconde, que nous ne serons même jamais en mesure de percevoir. Ce n’est pas la raison de baisser les bras, mais c’est histoire de retrouver un peu d’humilité, dans une industrie qui, souvent, ne manque pas d’arrogance.
Source: Europa Star Première Vol. 15, No. 2