1932. La famille Stern rachète la Manufacture Patek Philippe. La même année, sort un modèle, baptisé réf. 96 qui va être promis à un très bel avenir sous le nom de Calatrava. L’histoire d’une lignée est en marche.
- REF. 5227 de Patek Philippe
Pourtant, rien d’apparemment plus “simple” que cette réf. 96 dont la forme ronde et la sobriété absolue sont entièrement au service d’une unique fonction: indiquer l’heure avec la plus grande perfection, dans l’évidence d’une forme intemporelle. L’influence du mouvement Bauhaus, dont les principes minimalistes découlent de la conviction selon laquelle “la forme est dictée par la fonction” [“Form follows function”], est évidente. Et sans doute, la fortune de cette montre “essentielle” est-elle due à l’étroite adéquation, au parfait équilibre entre la pureté de sa forme et la simplicité avec laquelle elle accomplit sa fonction. Un équilibre qui, contrairement aux apparences, n’est de loin pas facile à atteindre. Ne dit-on pas avec raison que “faire simple est la plus compliquée des tâches”?
Car, dans une forme aussi fondamentale que celle du cercle, le moindre des détails contribue à la balance du tout, dans une totale interdépendance. C’est en ceci que les créateurs de la réf. 96 rejoignent un autre précepte du Bauhaus, dont le fondateur, Walter Gropius, disait en 1919 qu’il n’y a “aucune différence essentielle entre l’artiste et l’artisan.” A sa façon, on peut donc qualifier la réf. 96 “d’oeuvre d’art”, remplissant parfaitement sa fonction horlogère. Et c’est sans doute cette qualité particulière qui est à la source de la permanence de ce modèle à travers tout le XXème siècle et qui entame le XXIème siècle sans avoir pris une seule ride.
Une longue lignée de déclinaisons
Mais au cours de ces plus de 80 ans d’histoire, la réf. 96, va être graduellement réinterprétée et déclinée formant une lignée de garde-temps qui ne prendra le nom générique de Calatrava que dans les années 1980 (voir encadré). A l’origine, cette montre pour homme était d’un diamètre de 31 mm – ce qui semble aujourd’hui minuscule, la moyenne, chez Patek Philippe, étant désormais de 37–38 mm. Côté forme, elle va graduellement grandir en taille mais aussi adopter toutes sortes de nuances, au fil des matériaux employés – or gris, or rose, platine – tandis que côté fonction, des innovations techniques vont être introduites (comme par exemple, la réf. 2597, de 1958, permettant de changer de fuseau horaire grâce à une aiguille des heures ajustable à volonté).
Evoluant progressivement au fil des années sans jamais perdre la sobriété qui fait sa profonde identité, elle va également s’ouvrir au domaine féminin se déclinant en montres automatiques aux cadrans colorés à motif guilloché, à lunette sertie ou encore aux cadrans en émail cloisonné voire en marqueterie de bois précieux. Mais en 1973, apparaît un modèle qui va devenir l’emblème absolu de la collection, la réf. 3520D. C’est la première montre Patek Philippe à revêtir des Clous de Paris sur sa lunette. Ce décor, dit “en pointes de diamants”, né au Moyen Age mais popularisé bien plus tard par les bijoutiers parisiens (d’où son nom), est une forme de guillochage composé de lignes creusées et entrecroisées qui forment de petites pyramides serrées les unes contre les autres. Un décor d’une grande délicatesse géométrique qui, s’il rend encore plus précieuse l’apparence de la montre, en respecte fondamentalement la sobriété, voire la souligne avec élégance.
|
|
Cet emblématique modèle Clous de Paris, à la beauté véritablement intemporelle, est même devenu symbole de l’union entre deux êtres, notamment sur le marché asiatique où il est offert dans un coffret réunissant deux montres identiques dont seule la taille varie, pour dames et pour hommes.
“Gentleman et officier”
Un tout autre modèle traditionnel de la manufacture Patek Philippe est la montre dite de style “Officier”. Son origine remonte à la Première Guerre mondiale au cours de laquelle de petites montres de poche dotées d’un couvercle arrière avec charnière furent transformées en montres bracelet, bien plus pratiques à consulter au coeur de la tourmente. Destinées à l’origine aux officiers, ces montres conservèrent cette appellation lorsqu’elles passèrent à la vie “civile”. Depuis lors, Patek Philippe a régulièrement doté certains de ses modèles de haut rang d’un discret couvercle protégeant leur fond transparent (couvercle se prêtant à merveille à tout type de gravure personnalisée).
On pourrait croire que réaliser dans les règles de l’art un couvercle à charnière est relativement aisé. Il n’en n’est rien. Et dans le cas de la nouvelle Calatrava référence 5227, il s’agit même d’une véritable prouesse artisanale. Car le nouveau “trésor” de la collection Calatrava a pour caractéristique d’être équipé d’un couvercle à charnière de type “Officier”, réunissant ainsi en un seul garde-temps deux des expressions les plus pures de l’horlogerie selon Patek Philippe.
De l’importance de l’habillage
Quand le connaisseur pense “Patek Philippe”, il évoque souvent en premier lieu l’excellence de ses mouvements mécaniques. Mais il sait tout aussi bien que l’habillage revêt la même importance. Une montre est un tout et la fabrication des boîtiers, leur design, leur construction, leur degré de finition a toujours été considéré avec une égale rigueur par les horlogers de Patek Philippe.
Depuis longtemps, bien avant le regroupement en une vaste manufacture de tous ses ateliers jusqu’alors dispersés en ville de Genève, Patek Philippe maîtrise l’ensemble des opérations et des métiers nécessaires à l’élaboration et à la fabrication de ses boîtiers. Ceux-ci sont étampés à froid dans le métal massif sous des presses hydrauliques exerçant des pressions de plusieurs tonnes, “sculptés” par des matrices et des poinçons conçus au sein de la manufacture. Les longues opérations manuelles de polissage qui succèdent, sont également menées en interne. Mais dans le cas précis des montres Officier, la réalisation des délicates charnières qui équipent les cuvettes, réclament encore d’autres moyens de production, à la fois high-tech, pour la précision de leurs composants, et manuels, pour leur ajustement qui se fait au millième de millimètre. D’autant plus qu’en l’occurrence, il s’agissait d’imaginer, de concevoir et de fabriquer une Calatrava au boîtier particulièrement fin, dont le fond saphir soit doté d’un couvercle et dont la charnière reste parfaitement invisible.
La Calatrava référence 5227
La nouvelle Calatrava référence 5227 se présente dans un boîtier rond – évidemment - d’un diamètre de 39 mm, étampé dans de l’or 18 carats. Vue de face, elle présente un visage de la plus raffinée des sobriétés, rehaussé par une lunette lisse au profil légèrement concave et des attaches incurvées. Sous un verre saphir légèrement bombé, son cadran laqué crème est un modèle de lisibilité et d’élégance dans le dépouillement. Seuls se partagent l’espace des index appliques en or style “bâton” qui ponctuent les petits points dorés de la minuterie. A 3h, une date s’affiche dans un guichet dont le cadre est taillé dans de l’or. Deux aiguilles en or facettées type “dauphine” indiquent heure et minute tandis qu’une très fine aiguille à contrepoids court au rythme des secondes.
|
Vu de côté, le boîtier arbore de fines creusures incurvées, comme taillées par une gouge dans l’or massif puis longuement et finement polies. Mais le profil plat du boîtier, d’une minceur de 9,24 mm, ne laisse nullement deviner l’existence d’un couvercle de fond recouvrant sa glace saphir. A peine distingue-t-on, sous la couronne, la petite “oreille” permettant d’ouvrir le couvercle!
Cette charnière invisible, aussi “modeste” puisse-t-elle sembler, est en fait le fruit d’une grande maîtrise artisanale. L’usinage des éléments comme l’ajustage du couvercle à la main demandent plus que la seule et nécessaire précision microscopique. Son montage exige patience, dextérité et savoir-faire pour parvenir à ce qu’une fois la cuvette refermée, toute jointure apparente devienne invisible. Et, aussi étonnant qu’il puisse en sembler, l’opération convoque aussi l’ouïe, pour que la fermeture provoque le petit “clic” désiré, caractéristique de la bienfacture du mécanisme.
Un moteur à l’avant-garde
Une fois le couvercle ouvert, l’oeil peut se promener sur le calibre automatique 324 SC qui anime la montre. Le soin, en très grande partie manuel, apporté à ses finitions traditionnelles – ponts avec arêtes anglées selon un profil arrondi, Côtes de Genève, gravures dorées, rotor en or massif décoré de côtes circulaires et d’une Croix de Calatrava - contraste avec certaines caractéristiques d’avant-garde de ce mouvement dont la stabilité et la précision sont conformes aux strictes exigences du Poinçon Patek Philippe (-3 à +2 secondes de variation par jour). Ainsi, ce mouvement battant à une fréquence de 28’800 alternances/heure (4Hz) est-il équipé d’un grand balancier Gyromax® à quatre bras, doté d’un spiral Spiromax® en Silinvar®, qui réunit tout ce que Patek Philippe a élaboré depuis une dizaine d’années dans la technologie des composants en silicium. Une technologie de très haute précision dont les avantages cardinaux sont l’absence de lubrification, l’amélioration de l’isochronisme, donc de la précision, et de la géométrie des composants, ou encore la résistance à la corrosion et aux chocs.
Plus de 80 ans après son apparition sur la scène horlogère, la Calatrava approfondit encore la leçon du Bauhaus. La forme est la pure expression de la fonction, et celle-ci se doit d’approcher toujours plus son idéal horloger de précision, de stabilité et de fiabilité.
La Patek Philippe Calatrava référence 5227 (qualifiée par Patek Philippe comme la montre “Officier et gentleman”) est proposée en or 18 carats jaune, gris ou rose (5N) et se présente sur bracelet alligator grandes écailles cousu main, en brun chocolat brillant pour la version or jaune, en noir brillant pour la version or gris et en marron foncé brillant pour la version or rose, avec pour chacune une boucle ardillon du métal correspondant.
|
Source: Europa Star Première Vol. 15, No. 2