(Suite de l’article “En marge du SIHH...”) Pour Georges-Henri Meylan, ancien CEO d’Audemars Piguet, l’heure de la retraite n’a pas sonné. Bien au contraire, après avoir longuement et brillamment dirigé la manufacture du Brassus, cet homme qui “ne se voyait pas passer sa retraite à regarder la télévision”, a récemment lancé une initiative parmi les plus intéressantes dans le domaine des marques indépendantes. Il a fondé MELB Holding, une holding familiale, qui se donne pour vocation de rassembler un petit groupe de marques horlogères indépendantes connaissant des difficultés. Première opportunité, Hautlence, dont les actionnaires d’origine avaient “quitté le bateau avant le dépôt de bilan.” Epaulé par Bill Muirhead, ex-directeur financier des montres Breguet, accompagné de ses deux fils, dont l’un est un des responsable de la marque très haut de gamme de téléphones “horlogers” Celsius et l’autre distributeur basé à Hong Kong, MELB a repris la totalité des actifs de Hautlence, “dettes comprises”, ajoute Georges-Henri Meylan. Dans la foulée, MELB a avalé une autre perle: H. Moser & Cie. Cette très belle marque, jusqu’alors propriété de l’industriel Thomas Straumann, un industriel dont la fortune provient du secteur des implants dentaires (et dont, incidemment, le grand-père est l’inventeur de l’alliage Nivarox à la base des spiraux horlogers), connaissait d’importantes difficultés. Appelé pour en faire l’audit, Georges-Henri Meylan s’est retrouvé à racheter l’entreprise.

Dans les deux cas, les principaux responsables ont été confirmés. Co-créateur de Hautlence et seul actionnaire d’origine qui n’ait pas quitté le navire, Guillaume Tetu, rencontré au GTE, semble rayonner. Non seulement sa marque est-elle sauvée, mais il ressent déjà les effets positifs de l’arrivée de MELB Holding. La réputation de Georges-Henri Meylan et son carnet d’adresses très fourni ont déjà permis à la marque d’entrouvrir de nombreuses nouvelles portes. Parallèlement, l’offre a été repensée et une nouvelle collection plus abordable, Avant-Garde, a été lancée, faisant passer le prix des pièces d’environ 60’000.- CHF à 30’000.- CHF, tout en respectant strictement l’ADN si particulier de cette marque architecturale.

Chez Moser & Cie, dont les montres si classiquement pures et dépouillées sont l’exact opposé esthétique de celles de Hautlence, les effets de MELB Holding sont encore difficiles à mesurer, car l’opération date d’à peine trois mois. Mais pour Daniel Zimmermann, responsable des ventes et du marketing, confirmé à son poste, l’arrivée de MELB a d’ores et déjà des effets positifs. “Ce sont des gens directement issus de l’industrie horlogère et qui nous permettent de rester indépendants”, explique-t-il. “Ceci dit, il y a beaucoup à faire: diminuer les coûts de production de nos mouvements propres, qui sont très beaux mais trop dispendieux, améliorer la perception de la marque auprès du consommateur final, nous différencier par rapport à nos concurrents qui ont pour nom Vacheron Constantin, Lange & Söhne ou Patek Philippe”, détaille-t-il, ajoutant aussitôt que MELB “a apporté aussi de la fraîcheur” à cette marque certes splendide mais un peu rigoriste.

Stratégiquement, la reprise à 100% de H. Moser & Cie est aussi très intéressante pour MELB car, dans le panier, on retrouve Precision Engineering, qui fabrique spiraux, assortiments et balanciers. Une denrée devenue effectivement hautement stratégique ces derniers temps. Pour Georges-Henri Meylan, qui envisage de développer encore MELB “si jamais des opportunités se présentent”, les synergies mises graduellement en place semblent prometteuses tant au niveau du marketing, des échanges de calibres, du partage du back office et de la distribution. Un seul exemple? D’ores et déjà un nouveau show-room va voir le jour à Hong Kong où seront disponibles les deux marques ainsi que De Bethune, dont le fils de Georges-Henri Meylan est déjà le distributeur local.

Une affaire qu’Europa Star va suivre de près.

Source: Europa Star Première Vol.15, No 1