Le jeune Valérien Jaquet a faim. Une grande faim. Et sans doute que les déboires de son père, Jean-Pierre Jaquet, encore empêtré dans une affaire judiciaire qui l’a contraint à vendre sa florissante entreprise en 2003 (maison rebaptisée depuis La Joux-Perret et récemment acquise par Citizen, lire notre article dans ce numéro) ont quelque chose à y voir. Car peu à peu, depuis 2006 et la fondation de Concepto, le fils semble reconstruire pas à pas tout ce que le père a perdu. Et va même plus loin que lui car désormais, avec sa nouvelle société Optimo, Valérien Jaquet affirme pouvoir offrir "une véritable nouvelle alternative dans la production industrielle d’assortiments horlogers".
- Valérien Jaquet
Dans le plus grand secret
Montée dans le plus grand secret mais fruit
d’une réflexion entamée il y a 15 ans déjà par
le père puis reprise il y a 3 ou 4 ans par le fils,
Optimo annonce pouvoir produire à terme, soit
d’ici 2015, entre 300’000 et 400’000 assortiments
complets – balancier-spiral, roue d’échappement,
ancre. Pour l’instant, Optimo en prévoit
50’000 dans l’année et 200’000 dès 2013.
Occupant une quinzaine de personnes qui
officient derrière des vitres opaques et une
porte sécurisée, les laboratoires occupent un
vaste angle du bâtiment où sont regroupées
les différentes sociétés du groupe Concepto.
Optimo y maîtrise intégralement l’ensemble
de la chaîne de production industrielle d’assortiments.
Depuis la coulée de l’alliage du spiral
jusqu’à la rectification de la roue d’échappement.Quatre brevets ont été déposés, portant respectivement sur la composition de l’alliage, l’équilibrage et la rectification d’une virole à 3 nez (contre les traditionnelles viroles à 4 nez), le traitement thermique spécifique de la courbe terminale du spiral et une nouvelle forme de conditionnement avec ancre et roue d’échappement présentés dans la même boîte.
La plus grande confidentialité a déterminé la conduite des travaux. Certaines machines ont été commandées intentionnellement avec de faux paramètres, destinés à une pièce inexistante, que les collaborateurs d’Optimo ont ensuite ajustées et réglées dans le secret de leur atelier.
Nouvel alliage
Pour le spiral, un nouvel alliage a donc été conçu, l’Optimox dont la composition exacte est tenue secrète mais qui, selon les dires de Valérien Jaquet, “a été pensé selon les critères de fabrication que nous avons développé parallèlement.” Les coulées sont de petit volume, entre 3 et 4 kilos. Elles sont ensuite étirées sous forme de barres de 14 à 16 mm de diamètre, qui seront ensuite développées jusqu’à 1 mm de diamètre puis trefillées au 7/100e. Toutes ces opérations, ainsi que les suivantes, sont maîtrisées en interne. Après le trefillage, vient le laminage qui fait passer le métal d’une section ronde à une section rectangulaire. Une opération précise au 10e de micron. L’estrapadage permet ensuite de couper des brins qui sont empilés dans un tambour, 4 spiraux à la fois. S’ensuivent différentes opérations thermiques, la mise en forme du spiral sorti de son tambour, la coupe pour pouvoir y ajouter la petite virole, soudée au laser. Le spiral virolé, on coupe ses spires extérieures superflues puis il est mis à plat. Selon la coupe exacte de chaque spiral, celui-ci est classé, dans l’une des 20 classes qui permettront ensuite de l’ajuster au balancier de la même classe.
En parallèle, le plateau est réalisé sur une décolleteuse CNC et équipé de son rubis (“seul composant produit à l’extérieur du laboratoire”, dixit Valérien Jaquet). Quant au balancier, son processus de fabrication est lui aussi tenu secret dans ses détails, à ceci près qu’on nous assure qu’il est “moderne” – ce qui ne signifie aucunement qu’il soit en silicium. Autre secret jalousement conservé, le procédé de fixation des dards de l’ancre, une ancre découpée par étampages progressifs.
Les étapes d’assemblage du balancier et du plateau, d’équilibrage du balancier monté et de son classement (il est mis en fréquence pour en déterminer l’inertie exacte), puis de l’assemblage final du spiral virolé et du balancier monté avant le contrôle final aux normes du COSC sont également toutes menées dans les mêmes locaux protégés.
9 millions d’investissement
“Les mois qui viennent et qui vont voir la montée en puissance de notre production, sont cruciaux pour nous”, affirme Valérien Jaquet qui dit avoir investi près de 9 millions de CHF dans l’aventure. Une somme conséquente qui proviendrait à la fois “de la famille et de deux banques différentes”. Cinq marques s’intéresseraient déjà aux assortiments Optimo pour lesquels ont été sélectionnés et outillés dans un premier temps deux types de “pointage”, les plus importants quantitativement, “comme certains pointages ETA-compatibles.” Optimo se présente comme une alternative également au niveau des prix qui sont “dans la norme”, soit entre 40.- CHF et 80.- CHF selon l’assortiment.
Si la demande s’avérait conséquente dans les années qui viennent, une montée en puissance jusqu’à 400’000 assortiments serait envisageable, “car les processus de production que nous avons mis au point sont conçus pour une industrialisation poussée. Mais il faudrait engager et former 50 personnes”, précise Valérien Jaquet. Musique d’avenir donc.
Pour l’instant, ces nouveaux assortiments vont prochainement et graduellement équiper les quelques 30’000 à 40’000 mouvements maison annuels fabriqués par Concepto (pour les 40 marques clientes), qui étaient jusqu’à aujourd’hui montés avec des assortiments Nivarox-FAR.
- La galaxie Concepto
- Créé en 2006, CONCEPTO c’est 80 collaborateurs qui se répartissent en différentes unités. Sous le chapeau principal qu’est la manufacture Concepto, on trouve ARTISIA, le département d’horlogerie, qui est subdivisé en deux ateliers principaux: grand flux et haut de gamme. Ce département horloger est alimenté en composants par la société de décolletage, taillage et roulage DECOPARTS. Sans rentrer dans le détail, l’ensemble Concepto maîtrise ainsi en interne bon nombre d’opérations: mise en épaisseur, usinage, rectification et traitement des matières premières; mécanique, posage, outillage, électroérosion; décolletage, fabrication de mobiles; décoration, gravage, mise en couleur; horlogerie, remontage des mouvements, achevage, réglage. Six grandes familles de mouvements sortent de chez Concepto: les calibres de la famille 1000, constitués de planches additionnelles sur calibres 2890; la famille 2000, un 13 ¼’’’ qui est le premier calibre maison décliné en manuel, automatique, chrono simple et chrono roue à colonnes; le calibre 3000 qui, sur base 2000, permet des développements exclusifs pour chaque client; le calibre 4000 qui sortira au 2ème semestre de cette année et est un chrono automatique, double barillet, 120 heures de réserve de marche et d’une épaisseur de moins de 6mm; le calibre 7000, un calibre haute de gamme sur base Venus 1940, réoutillé en interne, qui existe en version chrono vintage simple ou chrono vintage à rattrapante et peut être muni d’un tourbillon côté cadran ou côté fond; et enfin la famille des 8000 constituée exclusivement de tourbillons, dans des versions manuel, automatique, ponts et platine saphir, chronographe manuel ou automatique. Parmi les clients de Concepto, on compte notamment et entre autres Bulgari, de Grisogono, Jacob, Rodolphe Cattin, Louis Moinet, Graf, Ellicott...
Ci-dessous, les liens sur les articles de notre dossier: Pistes Alternatives
Introduction - Pistes Alternatives
Technotime: double barillets, tourbillons et spiraux
Citizen reprend Manufacture La Joux-Perret
Centagora, coach horloger d’un nouveau type
La platine additionnelle universelle d’AJS
Source: Europa Star Première Vol.14, No 4