Il y a un peu plus d’une année, Europa Star publiait une longue enquête en trois volets intitulée “La planète horlogère suisse en mouvements”. Nous y présentions en détail les alternatives indépendantes qui se développaient – et se développent toujours - suite à l’annonce du Swatch Group de la cessation progressive de ses livraisons de mouvements mécaniques et d’assortiments.
Dans cet article, Henry-John Belmont, consultant et ancien patron de Jaeger-LeCoultre, expliquait alors que "ce ne sont certainement pas des marques isolées qui arriveront seules à faire face aux investissements nécessaires à la production de 1 voire 1,5 million de mouvements manquants. La fabrication de 250’000 calibres de base de type ETA 7750 requiert en effet un financement de l’ordre de 100 millions de francs et le recrutement de 200 à 250 personnes."
Depuis lors, les choses se sont encore accélérées. Tout récemment, un protocole d’accord encore confidentiel entre le Swatch Group et la COMCO (Commission suisse de la concurrence), révélé par le site Business Montres, mettait les chiffres sur la table: entre 2014 et 2015, le Swatch Group ne livrera plus que 70% des mouvements livrés en 2010, plus que 50% entre 2016 et 2018 puis plus que 30% dès 2019 – 2020. Mais c’est maintenant dans le domaine des assortiments – spiral, balancier, ancre et roue d’ancre – que la bataille est devenue cruciale puisque les livraisons diminueront de 10% à 20% tous les deux ans tout en augmentant de prix de 5% par an jusqu’à 2018, puis de 10%...
Car longtemps, Nivarox-FAR, société du Swatch Group, a régné en maître absolu sur ce secteur stratégique. Puis d’autres acteurs, encore marginaux, sont entrés dans la danse: Precision Engineering (qui fait partie du même groupe que Moser & Cie) et Atokalpa (Vaucher Manufacture). Mais les quantités disponibles chez ces deux fournisseurs restant confidentielles et le prix de leurs assortiments étant assez élevé, cette offre concerne de facto uniquement le haut du panier horloger.
Or coup sur coup, plusieurs annonces viennent d’être faites qui risquent de changer la donne. De nouvelles sources d’approvisionnement naissent qui vont graduellement offrir des alternatives pouvant intéresser l’ensemble de l’horlogerie mécanique, et non plus le seul haut de gamme. Ainsi Concepto, qui avait oeuvré en secret à la mise sur pied de sa propre production de spiraux, est-il sorti du bois et a annoncé 50’000 kits pour cette année, 200’000 pour 2013 et 400’000 dans les deux à trois ans.
Autre nouvel acteur, plus modeste, Technotime annonce pouvoir produire aujourd’hui entre 30’000 et 40’000 assortiments complets par an. Mais ce n’est pas seulement dans ce domaine que les alternatives prennent de l’essor. Europa Star s’est également rendu chez La Joux-Perret, qui produit 50’000 mouvements et modules par an et qui vient d’être racheté par Citizen, ce qui a créé un certain émoi dans la communauté horlogère suisse.
A d’autres niveaux aussi fleurissent des alternatives, comme par exemple dans le domaine de l’industrialisation, devenue un enjeu majeur sur lequel des sociétés d’un nouveau type se penchent, à l’exemple du “coach” Centagora que nous présentons dans nos colonnes. Ou comme dans le domaine des innovations, où nous avons retenu l’exemple de la platine universelle d’ AJS qui ouvre de nouvelles perspectives à l’horlogerie mécanique de moyen de gamme. Sans doute, Nicolas Hayek avait raison de dire que l’arrêt des livraiosns de son groupe à des tiers allait ouvrir une nouvelle phase d’industrialisation horlogère. Nous y sommes!
Ci-dessous, les liens sur les articles de notre dossier: Pistes Alternatives
Optimo, nouvelle source d’alternative
Technotime: double barillets, tourbillons et spiraux
Citizen reprend Manufacture La Joux-Perret
Centagora, coach horloger d’un nouveau type
La platine additionnelle universelle d’AJS
Source: Europa Star Première Vol.14, No 4