(suite) La plus belle et plus simple montre du salon
De l’autre côté de l’allée royale qui traverse la Halle 1, se dresse le stand à la Guggenheim de Patek Philippe (un emplacement que la manufacture genevoise conservera l’an prochain, comme nous l’a expliqué Thierry Stern livrant quelques confidences quant à la “véritable guerre des emplacements” qui se trame à Bâle en vue de 2013). Dans ce temple de l’horlogerie baudelairienne (“là tout n’est que luxe, calme et volupté”), ce n’étaient pas moins de 26 nouveaux produits que l’on pouvait découvrir.
Outre la star de l’année, la Réf. 5204, un chronographe à ratrappante calendrier perpétuel que nous avons abondamment présenté dans notre numéro précédent (cf. Europa Star’s Cover Stories), Patek Philippe a mis cette année l’accent sur les complications, et tout particulièrement sur les Quantièmes Perpétuels, destinés aux hommes comme aux femmes. Pour eux, le Quantième perpétuel référence 5940, avec son emblématique boîtier coussin extra-plat (44,6 mm sur 37 mm), animé du célèbre et très précis (-3/+2 secondes par jour) calibre 240 Q remonté automatiquement par un mini rotor décentré (3,88 mmm d’épaisseur). Pour elles, une Ladies First Perpetual Calendar, complication qui entre pour la première fois au féminin dans les “collections courantes” de la manufacture familiale genevoise. Extra-plate (35,1 mm de diamètre pour une hauteur de 8,8 mm), dotée du mouvement automatique Calibre 240 Q de 275 composants, habillée d’un boîtier d’or rose cerclé de diamants, la Référence 7140 est d’une élégance véritablement intemporelle, si on ose encore employer ce terme si galvaudé.
“Intemporel” est pourtant aussi le terme qui vient à l’esprit face à la nouvelle Calatrava référence 5123, à remontage manuel. Une pure beauté de simplicité, d’élégance, d’évidence horlogère. Ce cercle d’or rose de 38 mm, discret, totalement dépouillé, aux finitions superlatives et aux proportions tout simplement parfaites est peut-être la plus belle montre du salon BaselWorld 2012.
Loin, bien loin de toutes les estrades tapageuses, sans effet, sans aucun accent démonstratif, elle s’impose, avec son mouvement à remontage manuel Calibre 215 PS et sa si fine petite seconde, comme une véritable évidence. Une montre qui, après tant de performances exhibées et d’entrailles dévoilées, nous “lave les yeux”, tout simplement.
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Hand Made
On retrouve une très grande beauté classique dans une pièce unique de Kari Voutilainen, un tourbillon qui arbore sur son cadran non pas le quelque peu frelaté “Swiss Made”, mais le plus fier “Hand Made”. Kari Voutilainen, c’est un petit Patek Philippe à lui tout seul ou presque: 13 personnes. Mais c’est désormais une vraie manufacture complète où se font tous les composants des montres qui en sortent, mouvement, habillage, cadran, décoration. Seul le spiral (des Straumann dont il fait la courbe), le verre et le cuir échappent à cette forme de “liberté totale”, comme la décrit Kari Voutilainen. Car c’est bien simple, “ou les sous-traitants sont submergés de travail parce qu’ils sont bons, ou ils n’en n’ont pas du tout, parce qu’ils sont mauvais. Dans un cas les délais sont impossibles, et dans l’autre la qualité n’est pas au rendez-vous,” explique-t-il très directement. Sorti tout récemment de cette small but beautiful manufacture, le mouvement in house Twenty-8, emporté par un échappement deux roues à impulsion directe, en maillechort et roues en or, qui atteint tranquillement la réserve de marche de 165 heures. Fond clipsé, cadran d’argent très subtilement guilloché, boîtier d’or gris, jaune ou rose, 18 pièces en tout, 82’000.-
Quant à son Tourbillon, il s’agit donc d’une pièce unique, entamée en...1996. Ça change des développements fulgurants qui se pressent dans les vitrines. Au début, ce tourbillon il le faisait pour lui. Mais en 2006 un très patient collectionneur s’y est intéressé. “Pas un collectionneur”, corrige Voutilainen, “un mécène.” Ce patient mécène donc aura attendu jusqu’en 2012 pour contempler enfin ce qui semble être juste une sublime deux aiguilles et petites secondes au cadran merveilleusement guilloché. Mais quand on la retourne, on surprend un tourbillon suspendu là à faire tout seul son manège. On ne voit aucun train de rouages auquel il serait relié! Mais il y a là un étonnant échappement à détente pivoté. La bascule n’a pas de levée d’arrêt mais une pierre ronde, avec faces taillées et face de repos, qui est montée sur l’axe de détente. “Une configuration très mince et très solide”, détaille Voutilainen. La cage du tourbillon n’a pas de pilier. C’est le pont qui en fait office. Notre mécène a, nous semble-t-il, bien fait d’attendre car c’est là un tourbillon qui a tout son temps pour lui.
- TWENTY-8 by Kari Voutilainen
La légitimité Seiko
Mais revenons à des considérations plus industrielles, tout en restant dans la belle mécanique. Peut-être va-t-on enfin se rendre compte, en Europe tout du moins car au Japon c’est chose acquise depuis longtemps, que Seiko a une légitimité mécanique et chronométrique que bien des Suisses pourraient envier (les traditionnels Concours de Chronométrie suisses n’ont-ils pas été interrompus dès 1969, suite à la victoire de Seiko!). On a évoqué plus haut la précision du calibre 240 Q de Patek Philippe (-3/+2 secondes par jour). Le nouveau calibre Hi-Beat 36’000 de Seiko affiche quant à lui un très honorable et comparable -2/+4 secondes par jour. “C’est la montre à haute fréquence la plus exacte que nous ayons fabriquée”, explique le polyglotte Shu Yoshino, “et c’est très difficile à réaliser à grande échelle!” Echappement MEMS, technologie LIGA, alliages-maison Spron 610 pour le spiral et Spron 530 pour le ressort de barillet ne sont pas pour rien dans cette performance industrielle. Cette édition spéciale de la Grand Seiko Hi-Beat 36000, en or rose, jaune ou gris (environ 23’000.- euros) ou en acier (environ 6’500.- euros) est le fer de lance d’une stratégie globale visant à accréditer pleinement – et partout - la légitimité horlogère mécanique et traditionnelle de la maison japonaise (qui s’apprête par ailleurs, rappelons-le, à livrer TAG Heuer en spiraux).
Cette démonstration de savoir-faire mécanique n’empêche en rien Seiko de présenter par ailleurs une innovation technologique bluffante avec une nouvelle Astron dotée d’un GPS.
Ce GPS intégré est un module très puissant, conçu et produit par Seiko, qui fonctionne dans le monde entier et qui, où que vous soyez, dans un désert ou au milieu de l’océan, vous donne l’heure locale avec une précision d’horloge atomique (soit une seconde de dérive tous les 100’000 ans). Couvrant donc les 39 fuseaux horaires du globe, cette montre à énergie solaire est totalement autonome et ne nécessitera donc jamais aucun changement de batterie. La clé de cette réussite: une science du management de l’énergie acquise au fil des développements successifs: la première Astron quartz de 1969 qui déclencha la crise de l’horlogerie helvétique, le Kinetic de 1988, la Spring Drive de 1998. Ce calendrier perpétuel, car c’en est aussi un, arbore une allure forte, ultra lisible et sobrement moderne et ses fonctions se règlent avec une simplicité enfantine. Une première édition limitée de 2500 pièces en titane et céramique ou acier et céramique est mise en vente entre 2’000.- et 3’300.- euros selon les versions.
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Zenith s’envole
L’excellence horlogère, la justesse du rapport qualité/prix et le classicisme stylistique signent le retour triomphal de Zenith au cœur de l’horlogerie helvétique. En quelques trois courtes années, Jean-Frédéric Dufour a non seulement redressé la barre de la vénérable manufacture mais lui a donné un nouveau cap. L’ensemble de la collection a été revue, le nombre de références drastiquement réduit à 135, dont aucune ne date de plus de 3 ans, Dufour a misé à fond sur le savoir-faire et l’héritage exceptionnel de Zenith en termes de mouvements (100% de mouvements in house) et investit maintenant massivement dans la réhabilitation et la réorganisation de la manufacture datant de 1865 (20 millions de CHF d’investissements). La “belle endormie” qu’était Zenith avait été sérieusement secouée sous l’ère Nataf, elle avait alors fait des rêves de grandeur un peu baroques, mais à présent elle est pleinement réveillée et, lucide, a retrouvé une identité forte, en phase avec son extraordinaire histoire.
Cette année est placée pour Zenith sous le signe de l’aviation, domaine dans lequel elle a précisément une très riche histoire commencée dès la première traversée de la Manche par Louis Blériot, le 25 juillet 1909, montre Zenith au poignet. Une nouvelle Pilot Montre d’Aéronef Type 20, directement inspirée d’un modèle ayant appartenu à Blériot, rappelle cette occurrence historique. Montre démesurée, elle arbore un boîtier titane d’un diamètre de 57,5mm! Elle est motorisée d’un mouvement historique, le 5011K à remontage manuel, un mouvement qui équipait chronos de marine et montres de poche et qui a remporté en son temps pas moins de 277 prix horlogers. Limitée à 250 exemplaires (Zenith a retrouvé en tout 350 mouvements historiques qui ont été entièrement remis aux normes), elle est vendue à 9’500.- CHF.
La Pilot Big Date Special est quant à elle inspirée d’un chronographe des années 1960, destiné à l’armée de l’air italienne. Boîtier en acier de 42 mm, impeccable cadran noir mat sablé, classicisme de l’affichage symétrique, aiguilles superluminova, graphisme épuré, grande date parfaite à 6h... tout respire le classicisme sportif dans ce chronographe animé par un calibre El Primero 4010 à remontage automatique. Son prix: 6’500.- CHF sur cuir ou bracelet type milanais.
Pour un peu moins du double, soit 11’900.- CHF, le consommateur averti pourra se procurer le troisième modèle de l’année aéronautique de Zenith: le Pilot Doublematic. Disque des heures du monde, disque du jour et nuit, grande date, alarme (forte et de longue durée, soit 30 secondes, elle possède son propre barillet), et chronographe, sont animés par un El Primero 4046 battant à 36’000 alternances/heure, pour une réserve de marche de 50 heures. Que demander de plus à ce prix! (suite)
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Source: Europa Star Première Vol.14, No 3