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Revelation - Un manège sous le capot

August 2011


On dit souvent d’une “révélation” qu’elle a été subite, comme un coup de foudre, mais il est des “révélations” qui prennent tout leur temps pour s’accomplir.

C’est un peu le cas de Revelation, la marque fondée par Anouk Danthe et Olivier Leu. Ce couple, qui s’est rencontré en 1991 sur les bancs du Art Center College of Design de la Tour-de-Peilz (au bord du lac Léman, non loin de Montreux) a d’abord mené carrières distinctes. Anouk Danthe, éprise dès le départ d’horlogerie, a travaillé notamment chez Jaeger-LeCoultre, pour les Atmos, chez Omega, pour les Constellation et les DeVille, puis plus longuement chez Audemars Piguet, où elle a été responsable produit, notamment au moment du lancement de la Royal Oak Concept, et où elle a côtoyé Giulio Papi. Olivier Leu, quant à lui, a travaillé chez Jörg Hysek, avant de créer sa propre entreprise spécialisée en design "autour de la montre": displays, boutiques, accessoires...

Mais vers 2006, ils décident de passer à la vitesse supérieure et de créer leur propre marque. Leur concept initial s’est forgé après une fine analyse de l’état du marché d’alors, dominé, médiatiquement parlant, par nombre de nouveaux venus et d’indépendants tous lancés dans une forme de surenchère technique. Une surenchère certes spectaculaire mais aboutissant souvent à un grave défaut de lecture et de lisibilité. Désireux d’allier “le meilleur des deux mondes”, c’est à dire l’exploit technique et la lisibilité, ils mettent au point un concept original qui va donner son nom à la marque: Revelation. Leur idée est de combiner deux visions possibles d’une même montre: un cadran d’apparence simple qui, manipulé, révèle le complexe mouvement qui l’anime. Pour y parvenir, ils empruntent à la technique des verres polarisants: deux verres polarisants sont montés l’un sur l’autre et, ainsi combinés, donnent l’impression d’une surface totalement opaque. Mais l’un est statique et l’autre peut pivoter de 90°: sa surface polarisée vient alors s’aligner sur celle de l’autre verre, laissant ainsi passer la lumière et “révéler” ce qui était jusqu’alors caché.

Revelation - Un manège sous le capot

Le boîtier: une complication en elle-même

Forts de ce concept innovant, Anouk Danthe et Olivier Leu créent leur société, début 2007. Avec l’aide d’un bureau technique, ils mettent au point le “Revelation System”. Le principe est de parvenir à faire pivoter un verre en soulevant la lunette de la montre, donc de transformer un mouvement vertical en mouvement rotatif. Ils y parviennent grâce à un système de vis sans fin couplée à un différentiel qui entraîne une bague sur laquelle le verre est monté. Mais dès lors, on peut facilement imaginer la complexité du boîtier qu’il convient de construire.

Cette boîte, une “complication à elle seule”, comme ils le disent, est composée de 71 éléments, usinés individuellement sur CNC, à partir d’un kilo et demi d’or, pour parvenir à un boîtier de 154 grammes. Point essentiel, le mouvement doit être conçu en coordination étroite avec ce boîtier qui, contrairement à la plupart, a une fonction cinétique particulière.

Le tourbillon-manège

C’est là que leur parcours se révèle complexe et plus long qu’ils l’auraient imaginé. Un premier fournisseur (BNB) leur annonce tout à trac qu’il renonce à produire le mouvement de base sur lequel ils comptaient développer leur complication. Ils doivent alors trouver un nouveau motoriste, capable de leur fournir un mouvement de base dans les mêmes dimensions précises exigées par leur complexe boîtier. Ils mandatent alors un bureau technique dont les résultats, une année plus tard, se révèlent décevants: le bilan énergétique du calibre proposé est insuffisant pour entraîner correctement leur complication. Car celle-ci est aussi un défi en-soi: un “tourbillon-manège” dans lequel balancier, ancre, roue et pignon d’échappement sont montés sur un bras mobile, faisant office de pont de tourbillon. Ce pont mobile, équilibré par un contrepoids en or, est pris en sandwich entre deux roues montées sur l’axe central, faisant, elles, office de roue de seconde entraînées par quatre barillets montés en série. On le voit, c’est une complexe réalisation.

Reprenant tout à zéro, nos deux créateurs réunissent un tour de table, une task force composée de spécialistes externes et de consultants qui travaillent ensemble à la réalisation du système d’échappement, des engrenages, des barillets et de la distribution énergétique. Aujourd’hui, ils sont enfin parvenus au bout de leurs peines. Tout a été dûment validé, longuement testé et les 15 premiers mouvements, intégralement approvisionnés, sont désormais en assemblage et en montage. Revelation existe enfin.

Revelation - Un manège sous le capot

Une montre à secret

Le résultat est assez étonnant. De prime abord, on a l’impression d’être devant une montre d’allure classique, légèrement vintage, avec quelques touches de modernité dans le design de ses cornes (qui intègrent parfaitement le bracelet). Sa lisibilité est parfaite, les index fortement dessinés se détachant parfaitement, comme flottants au-dessus d’un cadran d’un noir intense. Mais lorsqu’on actionne la très discrète gâchette intégrée à la carrure, la lunette et son capot de verre sur lequel les index sont collés se soulèvent. Ce mouvement vertical entraîne sans qu’on s’en rende nullement compte la rotation à 90° d’un des deux verres polarisants et révèle alors l’étonnant Tourbillon Manège jusqu’alors totalement dissimulé. Un effet assez magique, qui ne laisse pas de surprendre. (A noter que cette polarisation s’effectue à présent par l’ouverture du capot de la boîte, mais on peut d’ores et déjà imaginer d’autres systèmes pour produire le même effet, que ce soit par une lunette tournante, par exemple, ou toute autre idée encore dans les cartons de Revelation...)

Pour Anouk Danthe et Olivier Leu, c’est le début d’une aventure. Le plus difficile est-il fait? Ils s’attaquent à présent au nerf de la guerre, la distribution. Leur pièce, exceptionnelle, il est vrai, et rare, est proposée à 176’000.-CHF en version titane et 211’000.-CHF en version or gris.

Conscients d’arriver “après la tempête”, comme ils le disent, ils savent devoir à présent gagner la confiance des détaillants les plus pointus et des collectionneurs les plus avertis que tant d’aventures d’avant-crise ont échaudés. Ce ne sera pas évident mais ils ont la foi chevillée au corps et croient dur comme fer que leur Revelation sera une révélation.

Source: Europa Star Première Vol.13, No 4