Pierre Maillard
Pour ce troisième et dernier volet de notre grande enquête sur le “boom” de l’offre helvétique en mouvements mécaniques, nous nous penchons sur les “spécialités horlogères”. Un bien joli mot, mais qui recouvre une vaste gamme de complications où l’on trouve tout et son contraire, des affichages particuliers en passant par les rétrogrades, les tourbillons et autres folies mécaniques.
Qu’ils soient affiliés à une marque comme Renaud & Papi, propriété à 78,4% d’Audemars Piguet, ou indépendants comme Les Artisans Horlogers, qu’ils soient une véritable manufacture verticalisée comme Christophe Claret ou un artiste-constructeur farouchement indépendant comme Agenhor, qu’ils manient aussi l’imagerie virtuelle et la micro-mécanique comme Magma, ils ont tous en point commun de faire partie de cette nouvelle génération de “fournisseurs” qu’on pourrait mieux appeler “partenaires en création”.
Car ils – ceux que nous venons de citer mais la liste est loin d’être exhaustive, que les nombreux absents nous pardonnent - sont devenus indispensables à nombre de marques prises dans la nécessité de l’innovation mécanique (au risque parfois de l’inflation mécanique). Une innovation mécanique qui permet aussi aux marques d’engranger des points médiatiques, si ce ne sont des points économiques. Les concepteurs, les constructeurs, les inventeurs de fonctions inédites, les as de la mécanique et les magiciens des cames jouent donc souvent un rôle pivot, stratégique.
Combien de montres de hautes marques issues de leurs laboratoires et de leurs machines! Sans, bien-sûr, que cela se sache toujours sur la place publique. Car les marques qui ont recours à leurs services se divisent en deux catégories: celles qui n’hésitent pas à faire état de leur collaboration, et celles qui font tout pour la dissimuler. Un certain nombre de marques seront donc citées ci-dessous, mais soyez assurés que la liste est bien plus longue, d’autant que les rétifs à la transparence, les adeptes du mouvement soit-disant “fait maison” sont plus nombreux que les autres.
Une position stratégique mais exposée
En occupant cette position stratégique centrale, les “maîtres-mécaniciens” se retrouvent ainsi exposés à tous les courants d’air qui agitent la sphère économique de l’horlogerie. Que l’horlogerie s’enrhume, ils se mettront à tousser. Pris dans la course à la valeur ajoutée mécanique qui a précédé la crise financière, ils se retrouvent aujourd’hui face à des interlocuteurs qui, pour beaucoup d’entre eux, ne savent plus très bien où aller. Certains de nos “maîtres-mécaniciens” nous l’ont avoué sans fard: les marques tergiversent, ne savent plus quel modèle suivre, hésitent à se lancer dans la réalisation d’une coûteuse innovation dont ils ne sont plus certains qu’elle sera plébiscitée comme tant d’autres ont pu l’être auparavant. Et quelques annonces prématurées les ont refroidis: combien de temps consacré et d’efforts d’ingénierie dépensés par un TAG-Heuer qui ne pouvait pas se dédire et se devait de sortir la V4 que le concepteur-designer Jean-François Ruchonnet leur avait vendue. Même si l’aventure, rétrospectivement, valait la peine et que TAG Heuer est parvenu à capitaliser sur ce succès difficilement gagné, il n’est pas sûr qu’elle rééditerait l’expérience aujourd’hui. Ou, autre exemple, la très intéressante Mémoire 1, inventée par les Artisans Horlogers pour Maurice Lacroix, mise en chantier en 2006, passée de mains en mains et qui n’est toujours pas sortie aujourd’hui. Un investissement qui n’est toujours pas achevé. Ou autre exemple des difficultés que peut rencontrer la validation d’une montre innovante, les sept années qu’il a fallu à Harry Winston pour enfin présenter, en 2010, sa géniale Opus 3 inventée par Vianney Halter!
Logiques temporelles
C’est que les logiques temporelles qui conduisent le développement d’une marque et de son image sont fort différentes de celles qui conduisent la conception d’un mécanisme, sa construction, la mise au point d’un prototype, les tests, les corrections, les nécessaires transformations. De l’idée à l’esquisse, et de l’esquisse à la réalisation, le chemin est long, semé d’embûches. Mettre au point un nouveau mouvement est une question d’années, qu’on le veuille ou non. Certains ont mis au point des stratégies d’évitement ou de contournement des difficultés, comme on le verra ci-dessous. Mais qu’on ait recours aux instruments d’imagerie et de calcul les plus sophistiqués ou qu’on avance de façon plus intuitive, qu’on passe par la validation de prototypes ou que l’on fasse directement usiner les pièces, toutes les pratiques existent, cohabitent mais aucune ne prend le pas sur une autre. Aucune ne permet de brûler les étapes, sauf au risque de s’y brûler les ailes.
Ajoutez à cela que la plupart de nos “maîtres-mécaniciens” ont tout comme les horlogers un ego bien planté. Ayant longtemps oeuvré à l’ombre des grands noms, ayant vu beaucoup de leurs commanditaires parader avec ce qu’ils avaient eux-mêmes imaginé dans leur solitude et parfois dans leur propre sommeil, ils ont vu avec plaisir les projecteurs se tourner un peu plus vers eux. Ils ont aussi objectivement pris de l’importance et, dans cette nouvelle concurrence, ils avancent, chacun avec ses armes propres, son imagination particulière, son goût spécifique. Tant et si bien qu’une “complication” inventée par X ou Y se reconnaît bien souvent, alors qu’elle est anonymement nichée au coeur de tel ou tel mouvement présenté par telle ou telle marque. Car chacun de nos constructeur a bel et bien sa patte, son système, sa logique propres. Et pour certains sa dose de poésie particulière. Mais, comme le dit Giulio Papi dans un élan de sincérité: “Nos concepts ont-ils toujours du sens? On le saura dans vingt ans.”
RENAUD & PAPI, LA PEPINIERE
Quel est le point commun entre Robert Greubel, Stephen Forsey, Peter Speake-Marin, Andréas Strehler (qui aujourd’hui ont tous leur propre marque), Carole Forestier (à la tête du développement horloger de Cartier), Anthony de Haas (idem chez A. Lange & Söhne) ou encore Frédéric Garinaud (concepteur de l’Opus8)...? Sans compter d’innombrables chefs d’atelier? Tous sont passés un jour ou l’autre par les ateliers de Renaud & Papi. Jusqu’à Christophe Claret dont la première entreprise, créée en 1989, s’appelait alors “Renaud Papi Claret”, avant que ce dernier en rachète toutes les actions en 1994 et prenne son envol en solitaire.
“Nous sommes devenus une pépinière car nous avons toujours voulu engager des jeunes. Et que ceux-ci, logiquement, comme je l’avais fait moi-même en 1986, décident un beau jour de prendre leur indépendance”. Giulio Papi en sourit, un peu jaune quand même quand il pense aux efforts de formation fournis, mais il ne peut que comprendre. En 1986, effectivement, il est un des premiers à se lancer. Il n’a que 21 ans, il est horloger sur les bancs d’Audemars Piguet et, quand il comprend qu’il va lui falloir attendre un ou deux lustres avant de toucher à une grande complication, il décide d’en faire lui-même. Avec Dominique Renaud, ils fondent leur entreprise, pensant réaliser “deux ou trois montres par an”. Mais le marché est en plein redémarrage et l’art mécanique retrouve les faveurs du public. Très rapidement, la demande gonfle. A tel point qu’en 1992 ils ont besoin de financements supplémentaires pour monter en régime et poursuivre l’aventure. Mais les banques, on le sait bien aujourd’hui comme hier, ne sont guère prêteuses. C’est donc Audemars Piguet qui vient se pencher sur la pépinière. L’horloger est prêt à fournir les capitaux nécessaires au développement de l’entreprise mais exige de monter ses parts à 52%. Affaire conclue. En 1996, l’associé Dominique Renaud vend à son tour ses parts restantes et s’en va vivre au sud de la France. Sur ce, Robert Greubel, qui détenait encore 4% décide quant à lui de se lancer dans sa propre aventure. Il revend ses parts à Audemars Piguet qui en détient donc aujourd’hui 78,4%, 20% étant toujours entre les mains de Giulio Papi et le solde, un petit 1,6%, étant détenu par Fabrice Deschanel, Directeur général de Renaud Papi.
Mais malgré le poids très majoritaire pris par Audemars Piguet, pour qui elle joue le rôle de pôle manufacturier de développement et de recherche, Renaud Papi conserve toute liberté pour travailler aux services de tiers. “Idéalement, notre carnet de commandes se partage en 50/50: moitié pour Audemars Piguet et moitié pour des marques tierces”, précise-t-il. Et parmi ces dernières on compte notamment une formidable réussite, Richard Mille, pour lequel Renaud Papi a “pratiquement tout fait”.
Giulio Papi
Véritable outil industriel
Aujourd’hui, Renaud Papi ce sont 150 personnes installées au Locle dans des locaux à l’image de leur animateur principal: rigoureusement ordonnancés, ultra-fonctionnels mais chaleureux et sympathiques. L’ensemble est impressionnant. Un véritable outil industriel permet à Renaud Papi de maîtriser le fraisage de ses platines dans toutes les matières, y compris les matériaux durs, de décolleter ses roues, vis, roues à colonne, barillets, toutes ses pièces circulaires, de rouler ses axes et ses pivots, de tailler les dents de ses pignons, d’électroéroser ses leviers, ses cames, ses ressorts, de fabriquer ses outils, ses posages et tous ses prototypes.
Rassemblé dans un seul local, cet impressionnant parc de machines à commandes numériques est relié aux autres départements par un long couloir. Le bâtiment principal regroupe le bureau technique (8 personnes au développement) et le très important bureau des méthodes, tous deux directement rattachés à un bureau de la fiabilité, dont la tâche est d’anticiper les problèmes et d’analyser la source de ceux qui sont éventuellement intervenus, et du bureau de contrôle technique et esthétique à travers lequel toutes les pièces séjournent au minimum un mois durant.
Tout à côté se trouve un atelier spécialisé dont la tâche principale est de monter toutes les premières dix pièces d’un nouveau modèle. C’est ici que se définissent avec précision les protocoles de montage, les huilages, etc...
De là on passe aux ateliers d’assemblage, de montage, d’emboîtage qui rassemblent près de 40 personnes à eux seuls. Répartis en îlots dédiés à un client ou à une complication spécifiques, chacun des horlogers qui y travaillent se voit confier la réalisation intégrale d’une montre. Une tâche qui, en moyenne, prend un mois plein.
A côté on trouve les ateliers de décoration et de finition: anglage, satinage, perlage, Côtes de Genève, polissages, squelettages y sont pratiqués A noter encore l’atelier de SAV dédié, un atelier de formation et une cellule nommée Bureau des Concepts horlogers qui, jusqu’à peu, était dirigé par Frédéric Garinaud, dernier de la liste à avoir à son tour pris son envol.
Valeur cardinale: la fiabilité
Quand on lui demande quelles sont les spécificités de Renaud Papi, Giulio Papi répond: “...dans le désordre: arriver à proposer des concepts et à les réaliser; être intransigeant sur les qualités de finition et de décoration; faire des montres fiables.” Et d’insister tout particulièrement sur ce point: “On vise le zéro retour, mais avouons-le, y parvenir serait le Graal. Ça n’est jamais arrivé à aucun horloger. Dans la réalité, nous en sommes à 10% sur les nouveautés et à 3% après stabilisation, ce dont on peut être fier. La fiabilité, nous nous en faisons un point d’honneur, c’est une valeur cardinale de l’horlogerie. Alors, nous ne sortons jamais un produit qui n’est pas encore au point à 100%, nous ne vendons jamais rien sur images de synthèse!” Mais que vend donc Renaud Papi? “Au niveau calibres”, explique Giulio Papi, "nous disposons de trois organes régulateurs différents: trois échappements donc, dont un à ancre suisse traditionnel en ligne, un à ancre suisse déporté pour tourbillon et un échappement sans huile, le fameux échappement Robin réservé à Audemars Piguet, que nous ne produisons actuellement que de façon artisanale, et qui est donc cher, mais que nous pourrions produire au stade industriel. Ces échappements sont équipés de trois balanciers différents, avec deux vitesses différentes, 21’600 alt/h ou 43’200 alt/h. Par ailleurs, nous avons deux systèmes d’accumulation d’énergie, à un barillet ou à deux barillets, pour des réserves de marche de 48h, 72h ou dix jours. Nous avons un système de remontoir et de mise à l’heure commun à toutes nos montres, sauf pour la Rétrograde Mystérieuse de Chanel, mais ça c’est une autre histoire (lire dans ce numéro notre Cover Story sur Chanel). Au niveau mouvements complets, nous proposons deux répétitions minutes différentes, une petite, une grande, deux chronographes intégrés différents, une rattrapante, une grande sonnerie, trois quantième perpétuel. Sur ces bases, évidemment, nous proposons toutes sortes de variantes."
MILLENARY par Audemars Piguet
Par ailleurs, Renaud Papi s’est fait un nom, à travers Richard Mille, dans le domaine particulier des matériaux ultra-légers. On pense ainsi à la dernière RM 027, la “Nadal”, une montre tourbillon réalisée dans un carbone très spécial, et qui ne pèse qu’une vingtaine de grammes! “Une victoire”, aux yeux de Giulio Papi, “car la perception de la valeur était jusqu’à présent toujours liée au poids: plus c’est lourd, plus c’est cher. Et nous avons réussi à renverser cet axiome.” Une expérience acquise auprès d’Audemars Piguet et de ses fameuses Royal Oak en carbone forgé. Mais Giulio Papi, pour fasciné qu’il soit par les nouveaux matériaux, n’en reste pas moins méfiant à l’égard du silicium: “Je n’ai aucune critique à faire contre la technologie elle-même mais tous nos échappements sont travaillés dans des matériaux traditionnels. Pourquoi? On sait d’ores et déjà qu’à terme le silicium ne sera plus utilisé dans les micro-processeurs et que les machines conçues pour travailler cette matière disparaîtront. Or ce sont les mêmes machines que pour l’horlogerie. J’ai donc bien peur que dans 50 ou 100 ans on ne pourra plus réparer les échappements silicium!”. Comment la maison a-t-elle traversé la crise? “Depuis 2008, qui fut une année-record, notre chiffre d’affaires n’a que très peu varié. Pour 2010 nous avions prévu une baisse de 5% mais nous terminons à égalité. Pour 2011 nous avions prévu une baisse semblable de 5% mais on verra bien... Ce n’est pas si grave pour nous car toutes nos installations sont financées et nous n’avons aucun leasing en cours.”
CHRISTOPHE CLARET, MANUFACTURE (PRESQUE) COMPLETE
La grande force de Christophe Claret est d’être parvenu, en 22 ans d’indépendance, à cons-truire un outil de production intégrée de très haut de gamme, digne des produits très sophistiqués que la maison réalise à l’interne à hauteur de 90%. 115 personnes y travaillent, dont une quarantaine d’horlogers complets, qui produisent un nombre fort restreint de montres: environ 420 à 450 par an! Mais la plus simple et la meilleure marché est à 35’000.- CHF, la plus chère grimpant aux alentours de 120’000.- CHF (prix ex-usine: multipliez par 4, 5, 6 voire même par 7 le responsable de la conception et du suivi technique des boîtiers explique que ceux-ci, “destinés à recevoir des mouvements très spécifiques et complexes, sont obligatoirement tout aussi sophistiqués que le mécanisme qu’ils incorporent, protègent et mettent en valeur. Et tout comme la construction des calibres, celle de boîtes est à la poursuite de l’innovation: cornes articulées, ouvertures latérales, boucles déployante articulées...”.
Le “style” Claret est tout entier là. En développant ses propres capacités manufacturières dans le domaine de l’habillage, Christophe Claret a donné en quelque sorte des ailes à son horlogerie. Il a pu ainsi développer ses techniques spécifiques, telles que l’usage de rouleaux, comme par exemple dans la Shabaka développée pour Jean Dunand (dont il est par ailleurs actionnaire conjointement avec Thierry Oulevay), une montre particulièrement exemplaire de cette intégration ou de cette fécondation mutuelle entre mécanisme et habillage.
Christophe Claret
Amour des machines
Ce développement a été aussi rendu possible par un trait particulier: on sent Christophe Claret presque autant fasciné par les mouvements qu’il conçoit que par les machines qu’il met au point. Un bel exemple est le “monstre” récemment développé pour l’unité habillage de la manufacture: une CNC 17 axes, capable de travailler aussi en binôme de 2x5 axes, qui permet non seulement de diviser les temps d’opération par deux, mais qui, en minimisant les manipulations et les réglages, apporte aussi une précision d’usinage superlative.
Autre exemple, non loin, au département Ebauches, une autre machine fait la fierté de son propriétaire: la Flashcut laser, développée en engineering par la manufacture en collaboration avec le fabricant BC-technologie, et avec laquelle 70% des composants sont découpés. En 4 heures, elle fait le travail de 5 machines à électroérosion qui tourneraient pendant 24h. Un gain de temps et une économie d’énergie énormes qui renvoient les autres machines au rang de “dinosaures”. Ou, toujours dans le même atelier, une machine-outil Witech, utilisée jusqu’à présent uniquement en automobile et que Christophe Claret a fait adapter aux contraintes horlogères, avec un système permettant le remplacement automatique des 96 outils en charge, ou l’autocontrôle des pièces en cours de production permettant des rectifications automatiques.
Ou encore certaines machines top-secret, cachées derrière des portes ne s’ouvrant qu’avec un système de reconnaissance digitale, telle que cette mystérieuse machine capable paraît-il de polir automatiquement les courbes et les creusures du verre saphir... (L’usage du saphir, dont Christophe Claret est, rappelons-le, un des pionniers).
SHABAKA et TOURBILLON ORBITAL par Jean Dunand
“Je cherche à toujours conserver une vision très évolutive des modes de production,” explique Christophe Claret, “et à être aussi innovant dans le domaine des machines que dans celui de l’horlogerie.” Mais ce souci a aussi d’autres raisons: la maîtrise des processus de fabrication, outre qu’elle apporte une autonomie toujours bienvenue, permet d’être beaucoup plus réactif en abaissant les délais, autorise la recherche et l’innovation “en direct” et, pour ces différents facteurs, se révèle économiquement déterminante.
Nous ne décrirons pas ici un par un tous les ateliers de cette manufacture – dont la grande spécialité reste le tourbillon - mais, précisons que, outre le montage des mouvements qui se réalise bien évidemment à l’interne, les finitions, polissages et décorations occupent également une position de choix: traitements thermiques, trempe et polissage après trempe, galvanoplastie, l’impressionnant atelier d’anglage où pas moins de 15 angleurs travaillent en parallèle à ce fin et patient ouvrage de terminaison manuel des composants ou encore l’atelier de décoration, où s’exécutent Côtes de Genève, perlages et autres finitions.
Un style à part
Malgré la grande diversité des garde-temps qui sont produits dans la manufacture, disons que la fascination qu’exercent sur Christophe Claret les machines, les processus, les savoir-faire, les innovations se retrouve à l’identique dans les produits qu’il conçoit. Bielles, rouleaux, animations, sonneries, ballets mécaniques...y tiennent la part belle. La mécanique ne s’y dissimule pas, au contraire, elle s’affiche, elle se découvre sous des boîtes saphir, elle joue avec les volumes, les profondeurs.
Mouvements HARRY WINSTON, DUAL TIME par Christophe Claret
A ce titre, la Dual Tow, lancée par Christophe Claret en 2009 pour célébrer les 20 ans de la création de son entreprise, synthétise et condense avec ses 568 composants l’esprit de l’horlogerie selon Claret. Ce chronographe monopoussoir planétaire à sonnerie équipé d’un tourbillon et d’affichages horaires par courroies – rien que ça – est une véritable machine de poignet. Particularité unique et totalement inédite, le chronographe de la Dual Tow fonctionne grâce à trois satellites, ou planétaires, reliés à une roue à colonne qui pilote l’ensemble des opérations via six leviers et marteaux en forme de “jambes” qui confèrent à l’ensemble une gracieuse allure de ballet mécanique.
Tout Christophe Claret est là, dans ce mélange entre fascination mécanique, transparence et profondeur du mouvement, jeux d’affichages inédits.
LA POESIE MECANIQUE D’AGENHOR
“Vingt-cinq personnes, c’est un beau chiffre, non?” demande Jean-Marc Wiederrecht, assis dans ses nouveaux ateliers. En fait d’ateliers, ils ressemblent plutôt à une très belle et vaste demeure d’architecture ultra-contemporaine, répondant à de stricts critères écologiques: un zéro émission carbone obtenu grâce à une combinaison de refroidissement naturel, sans climatisation aucune, de chauffage par géothermie, d’un équipement de panneaux solaires. Une autonomie énergétique totale qui Wiederrecht a toujours chéri par-dessus tout. Sa structure financièrement totalement indépendante et auto-financée lui permet d’être “solide, souple, ouvert, flexible” et de gérer en toute proximité son équipe de 3 constructeurs, 9 horlogers à l’établi, 5 administratifs et 5 responsables de l’approvisionnement et de la qualité. “Je suis bien ainsi et je ne veux pas grandir plus”, conclut-il.
Mais la sécurité de cette indépendance totale à un prix: elle passe par “une multiplication des produits et des clients”, précise-t-il. Et effectivement, Agenhor dispose d’un panel-clientèle considérable pour une structure relativement modeste: une douzaine de gros clients “sérieux et jouant sur la durée”, dont 5 à 6 qui font 70% du chiffre d’affaires. Parmi ceux que nous sommes autorisés à citer: Harry Winston, Van Cleef & Arpels, Chaumet, De Witt, Speake-Marin, MB&Friends, Arnold & Sons... Mais la liste est bien plus longue et y figurent certains poids-lourds de la Haute Horlogerie.
Jean-Marc Wiederrecht
Au-delà du rétrograde
Indépendant depuis 1978, Jean-Marc Wiederrecht a construit son image notamment à partir de 1988 quand, avec Roger Dubuis (himself, et non la marque qui n’existait pas encore) il a mis au point pour Harry Winston le premier module de calendrier perpétuel bi-rétrograde. Cette innovation mondiale a été rapidement suivie par une rafale d’inventions telles que le Double GMT, la Tri-Rétrograde, une Equation du temps ou encore un Temps universel qui ont assis sa réputation de “roi de la rétrograde”. Mais les dons mécaniques de Jean-Marc Wiederrecht vont bien au-delà car c’est une toute autre invention qui, en 2002, lui a permis de “libérer” son horlogerie en lui facilitant le travail: un brevet d’engrenages aux dents fendues réalisé avec Mimotec. En introduisant une forme d’élasticité de l’engrenage empêchant tout blocage ou tout serrage des dents entre elles, en autorisant ainsi le contact continu des engrenages entre eux, il a ouvert de nouveaux possibles à l’expression mécanique de ses rêves.
Poèmes mécaniques
Car Jean-Marc Wiederrecht est un horloger-poète dans le meilleur sens du terme: essayer de faire rêver avec des roues, des engrenages et des cames. C’est pour cette raison qu’il affectionne particulièrement les montres féminines. Il aime y travailler parce qu’elles “racontent des histoires”, dit-il en souriant. L’exemple le plus flagrant de cette propension est le travail qu’il mène avec Van Cleef & Arpels, la maison pour laquelle il a réalisé les petits chefs d’oeuvre de poésie mécanique que sont le Quantième de Saisons, la Fairy, la Midnight in Paris ou encore le Pont des Amoureux. “Partir de dessins, d’histoires, de rêveries pour parvenir à faire de la vraie et belle horlogerie” est ce qui d’évidence le motive le plus.
Un exemple de vrai défi horloger: les deux petits amoureux qui se rejoignent à chaque heure sur le pont du même nom avaient un problème mécanique: au moment de leur séparation (leur “rétrogradation”) il était très difficile de faire synchroniser exactement leur double mouvement piloté par deux aiguilles ne tournant pas à la même minute. Il a donc fallu inventer un petit crochet inédit en horlogerie pour solidariser et retenir le temps voulu les deux personnages dans les bras l’un de l’autre avant qu’ils ne se quittent exactement en même temps.
Tout Wiedrrecht, tout Agenhor est dans cet infime mais crucial détail purement poétique car si les deux amoureux s’étaient séparés chacun de leur côté, l’histoire racontée par cette montre eût été toute différente: une séparation orageuse plutôt qu’une ballade amoureuse...
PONT DES AMOUREUX par Van Cleef & Arpels
Que des exclusivités
Agenhor ne fait ainsi que des exclusivités, spécifiquement destinées à une montre précise et à l’histoire qu’elle veut raconter. Un autre exemple le démontre très bien: l’Opus9 qu’il a réalisée avec le designer Eric Giroud pour Harry Winston, et qui a été récompensée en 2009 par le Grand Prix d’Horlogerie de Genève, catégorie Design. De concert avec Eric Giroud, il a mis au point une inédite et délicate façon d’indiquer le temps grâce à deux chaînettes mobiles de diamants. Un façon de lire l’heure parfaitement bien adaptée, au propre comme au figuré, à la marque Harry Winston dont toute l’histoire procède du diamant. En moyenne, Agenhor sort ainsi trois nouveaux mouvements par an. Le rythme n’augmentera pas car, comme Jean-Marc Wiederrecht tient à le préciser: “nous ne sortons un mouvement ou un mécanisme que quand il est totalement fiabilisé, totalement au point. C’est encore plus important aujourd’hui qu’auparavant, lors de la période des folies: aujourd’hui le client exige avec raison la qualité. Et tout doit être de qualité, l’extérieur comme l’intérieur, idem en termes de finitions.”
Et de ce point de vue, Agenhor apporte à ses finitions, bien souvent totalement invisibles, un raffinement poétique rare, à l’image des cames dissimulées à l’intérieur du mouvement du Pont des Amoureux, qui sont gravées de motifs reprenant la silhouette des personnages. Mais cette poésie décorative a aussi ses côtés pratiques: la fourniture de chaque montre est ainsi immédiatement identifiée visuellement, facilitant le travail des horlogers.
DANDY ARTY par Chaumet, OPUS 9 par Harry Winston, TRUE NORTH par Arnold & Son
Pas de protos
Autre particularité, contrairement aux autres “maîtres-mécaniciens”, Agenhor n’a pas de parc de machines. Tout est réalisé à l’extérieur, par un réseau de sous-traitants fidélisés de longue date et triés sur le volet. La raison principale en est que, pour Jean-Marc Wiederrecht, “toutes les validations doivent être faites sur des pièces parfaites.” Ainsi, il ne passe pas par la phase traditionnelle des prototypes mais fait tout de suite exécuter les pièces de série, sur plans. Quand une fois assemblé le mouvement marche, alors il peut tout de suite passer à sa réalisation en série. “Parfois”, concède-t-il, “il faut refaire un ou deux composants, mais tout le reste est prêt, dans l’attente d’être assemblé.”. Poétique, Jean-Marc Wiederrecht est aussi pragmatique et efficace. Une équation gagnante.
LE GRAND LEGO DES ARTISANS HORLOGERS
Quand on entre dans l’ancien moulin du XVIIème dans lequel Les Artisans Horlogers sont installés, la première chose que l’on voit sont trois horloges murales identiques et marquant la même heure avec un tout petit décalage. En-dessous ne sont pas écrits Paris, New York, Hong Kong, mais Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds, Le Locle. Une façon humoristique de rappeler leur ancrage local dans le tissu horloger jurassien et peut-être aussi, allez savoir, un pied-de-nez à la mondialisation...
C’est Laurent Besse qui nous y reçoit, cofondateur et associé à Manuel Spöde. Ensemble ils ont fondé Les Artisans Horlogers il y a sept ans maintenant, en 2004. Manuel Spöde a à la fois des compétences commerciales, exercées dans le management et la vente, et des compétences horlogères, puisque diplômé du WOSTEP, il a connu la restauration de montres, la création et le développement de produits, l’industrialisation, la restructuration d’entreprises horlogères, de services commerciaux. Autant de compétences croisées qui semblent s’accorder parfaitement à celle de Laurent Besse, diplômé de l’Ecole d’horlogerie de Besançon, passé par la Nouvelle Lémania et Frédéric Piguet puis ayant travaillé avec Eric Klein, responsable alors du bureau d’études et de développement multimarques de Richemont. Là, il croise une bonne partie de la nouvelle génération des CEO de l’horlogerie, comme Antonio Calce (Corum), Hamdi Chatti (Louis Vuitton) ou Michel Nieto (ex Baume & Mercier). Il y contribue au développement de produits pour Cartier, Piaget, mais l’ambiance d’un groupe, avec ses contraintes décisionnelles et sa lenteur ne lui sied guère. Il passe alors au bureau Conseil Ray, y développe des mouvements notamment pour Zenith qu’il intègre quelques temps plus tard, à l’arrivée de Thierry Nataf. Mais il n’y reste pas très longtemps. Sa route croise à nouveau celle de Manuel Spöde, déjà rencontré quelques années auparavant. Ensemble ils restructurent STT qui deviendra Dimier lors de sa vente à Pascal Raffy de Bovet. En parallèle, ils fondent Les Artisans Horlogers.
Laurent Besse et Manuel Spöde
La logique du Lego (de luxe)
En créant Les Artisans Horlogers (LAH), leur concept est au point et leur démarche est très clairement dessinée. Et ils vont prendre six pleines années pour réaliser leur programme et totalement fiabiliser leur production. Leur idée, Laurent Besse la compare au principe du Lego: disposer d’un répertoire de pièces compatibles entre elles qui, à partir des mêmes composants essentiels, permette de faire “tout ce qu’on veut”, ou presque. Avec les petites briques du Lego ce seront un château, un hors-bord ou un bateau de pirate, avec les composants de LAH ce seront un tourbillon, un régulateur ou une machine à la MB&F.
Elément central de ce Lego façon LAH, un calibre de base intégralement développé par eux. Un calibre qui se veut “bien construit et simple, pour pouvoir le customiser sans trop d’efforts”, comme le définit en deux mots Laurent Besse.
“On retrouve ainsi de nombreux éléments d’un calibre à l’autre,” poursuit-il, "mais cette façon de procéder nous évite de devoir toujours réinventer la roue et nous permet d’offrir une gamme complète de produits, totalement fonctionnels, qui puissent aussi accepter des modules additionnels existants (je pense par exemple à des modules chrono de Dubois Dépraz).
L’intelligence de cette démarche a ainsi permis à LAH d’offrir la gamme complète des complications classiques, une gamme totalement personnalisable et qui permet la réalisation de leurs spécialités, dont au premier titre le tourbillon. Une démarche qui permet aussi d’avoir une vision à long-terme, de penser à la globalité de la collection, à la fiabilisation de la production. Car en normalisant ainsi une grande partie des composants, en pouvant donc effectuer des achats en plus grande quantité on s’assure de leur production selon les critères industriels offrant la meilleure fiabilité et la plus grande précision.Par ailleurs, ces calibres ne sont pas gabarisés, n’ont strictement rien de clones mais sont compatibles.“(Soit-dit en passant, Laurent Besse pose un regard dubitatif sur les fameux clones ETA. A ses yeux,”ETA est absolument imbattable dans le domaine des outils de découpage et pas un seul de ses rivaux ne lui arrive à la cheville... du moins pour l’instant," nuance-t-il.)
Depuis 2008, LAH propose ainsi 5 calibres de base, allant du 8’’’3/4 au 13’’’3/4, déclinés en plus de 40 versions, avec remontage manuel, remontage automatique (doté d’une masse circulaire, leur grande singularité, ou d’une petite masse excentrique) ou remontage manuel avec échappement tourbillon (autre grande spécialité).
De l’importance du dialogue
En quelques années, leur proposition, couplée avec leur faculté à personnaliser les produits jusqu’à l’extrême, a su intéresser des marques fort différentes pour lesquelles ils ont développés des mouvements spécifiques, parmi lesquelles on peut citer Maurice Lacroix (Mémoire 1 et Pontos Excentrique, par exemple), MB&F, avec laquelle existe une très étroite collaboration qui a notamment abouti à la HM1 et à la HM4 Thunderbolt), Harry Winston, Universal Genève, The British Master, Peter Speake-Marin, Rebellion, Zeitwinkel... autant de marques fort différentes, on le constate. “Dans la démarche de création et de construction, il est nécessaire d’avoir un dialogue très approfondi, incessant, avec la marque pour laquelle nous concevons un mouvement,” explique Alain Besse, “car il faut trouver à chaque fois la logique interne de la marque, parvenir à exprimer mécaniquement son ADN. Ainsi, afin de pousser cette logique dans ses derniers retranchements, nous allons jusqu’à gérer dans certains cas l’habillage, voire même les solutions de packaging. Nous sommes certes des ingénieurs horlogers, mais nous nous intéressons aussi de très près au design industriel.”
Economies d’échelle
Mais une des raisons de ce succès tient aussi aux économies d’échelle que la “méthode Lego” permet de réaliser. Car, malgré le fait de ne réaliser essentiellement que des petites séries, LAH, grâce aux économies réalisées tant dans le domaine de la construction que dans ceux de la production, de la gestion du stock, du montage, des délais, offre un rapport qualité/prix extrêmement intéressant. “Aujourd’hui, nous faisons 1’000 mouvements par an mais notre objectif est de passer à une vitesse supérieure, donc d’abaisser encore nos coûts, tout en restant un petit acteur, oeuvrant exclusivement dans les spécialités horlogères. Nous espérons donc parvenir à monter en puissance avec, pour objectif, de 5’000 à 10’000 mouvements par an dans les cinq ans.” Le moment s’y prête-t-il?
“C’est vrai qu’actuellement, les motoristes souffrent plus que durant le gros de la crise. Les marques sont craintives, timorées. Elles veulent sortir des exclusivités, des produits marquants mais n’osent pas se lancer. Et la pression sur les prix s’est renforcée. Les investisseurs se retiennent. On a par exemple récemment étudié une demande portant sur 50’000 mouvements, avec création d’une usine, mais le feu vert n’est jamais venu...”.
Autre facteur d’économie, la modestie et la souplesse de la structure propre de LAH: aujourd’hui 15 personnes en tout qui se répartissent entre la R&D, la construction, le prototypage, la logistique, les contrôles, la préparation des kits, le montage des petites séries (montage qui se fait en partenariat au-dessus de 200 pièces). "Nous ne voulons pas nous agrandir outre mesure et, notamment, nous n’envisageons pas de produire nous-mêmes. Au contraire, et comme l’indiquent les trois horloges murales installées à notre entrée, c’est entre Le Locle, où nous sommes implantés, la Chaux-de-Fonds et Neuchâtel que nous avons développé un dense réseau de sous-traitants privilégiés. Avec eux, nous avons tissé des liens très serrés et très étroits, que ce soit dans le domaine du découpage, en petites comme en grandes séries, pour les rouages, pour les différentes étapes du montage, de l’emboîtage, de la décoration, des terminaisons.
Nous avons ainsi calculé qu’avec notre petite structure, nous donnons en fait du travail à 300 personnes à la ronde".
LE “VIRUS” MAGMA CONCEPT
“Nous sommes un virus, un électron libre”, déclarent avec gourmandise Philippe Thivolet, directeur général, et Cédric Grandperret, directeur exécutif de Magma Concept, sis à Plan-les-Ouates dans la banlieue horlogère de Genève. Avec le prototypiste Manuel Garcia et le spécialiste en images de synthèse Cédric Vaucher, ils ont fondé en 2001 cette structure hybride bien particulière, active pour une part dans l’imagerie de synthèse et pour l’autre dans la construction de mouvements.
De fait, c’est avec la modélisation 3D que Magma Concept a commencé à oeuvrer dans le support marketing. Et puis tout naturellement, ils se sont tournés vers l’offre de produits. Tout semble avoir démarré dès 2003 avec la demande de tourbillons par Jörg Hysek, sur base Jaquet, puis avec une collaboration avec Chanel pour sa première J12 Tourbillon dotée d’une cage supérieure en saphir.
Mais en 2006, Cédric Granperret, l’âme mécanicienne du groupe, ancien membre du bureau technique de chez Chopard, est attiré par Jean-Claude Biver qui lui propose de créer la nouvelle base technique de Hublot, de réaliser les lignes pilotes, de mettre en place l’assemblage et l’unité de production de la Mag Bang. L’expérience dure deux ans et en 2008 Cédric Grandperret revient chez Magma.
Entretemps, les équipes avaient intégralement conçu et mis en route leur propre calibre tourbillon et avaient développé toute une série de fonctions et d’affichages sur base 7750, revue dans des matériaux spécifiques tels que le titane, l’aluminium, l’or, le tout “en parfait accord avec ETA”.
Ces développements permettent aujourd’hui à Magma Concept de proposer quatre calibres 13 ¼’’’ 28’800 alternances/heure différents: le MAG-007, un trois aiguilles seconde au centre et grande date en version automatique ou manuelle, avec stop seconde; le MAG-005 GMT3, complication sur automatique avec trois aiguilles au centre, deux indications GMT différentes, à 6h et à 12h, toutes deux avec leur propre pastille jour/nuit, ainsi qu’un quantième rétrograde à aiguille 120° 1à 9h; le MAG-004, un chronographe flyback à roue à colonne intégré dans un 7750, avec heures, minutes, petite seconde à 9h, chronographe 60 secondes au centre, compteur 30 minutes à 3h et compteur 12h à 6h, ainsi qu’un quantième à guichet à 5h; et le MAG-003, un chronographe automatique à cames intégré au mouvement, configuré comme le MAG-004.
Le MAG-002 est quant à lui un tourbillon 3Hz (21’600 alternances/heure) avec heures et minutes au centre, indication de réserve de marche par aiguille à 12h et, en option, petite seconde sur cage à 6h. “C’est un tourbillon volontairement simple dans sa conception et son architecture,” explique Cédric Grandperret, “pris entre deux ponts barrettes, doté de 60 heures de réserve de marche et d’un excellent couple qui permet de développer de nouvelles complications additionnelles sans qu’il soit modifié en profondeur, ce pour quoi il a été pensé.”
Ce tourbillon équipe tous les nouveaux modèles de Cécil Purnell, qui n’offre que des tourbillons dans ses collections, et qui est actuellement le client le plus important de Magma. Parmi les autres clients que l’on peut citer, mentionnons Artya, Aquanautic, de nouveaux mandats en cours pour Delacour.
Briser les vieilles habitudes
Mais, comme aiment à le dire les responsables de Magma, “nous sommes des motoristes et des carrossiers”. Et, de fait, Magma fonctionne comme une micro-manufacture qui maîtrise aussi bien la conception, la construction que la production d’une grande part de ses composants qu’il s’agisse de mouvements ou d’habillage. Proposant également un service de design piloté par un designer industriel en provenance de l’industrie automobile (PSA), Magma est ainsi à même d’offrir une personnalisation poussée de ses produits, allant jusqu’à la forme des rouages du mouvement, les lignes de la boîte, le détail de l’habillage. Le second site de Magma, à Gland, regroupe la production et maîtrise la fabrication des platines et des ponts, toutes les pièces acier et laitons, l’usinage traditionnel, le gravage laser, les cadrans, les couronnes et poussoirs, toutes les petites séries.
Tout le décolletage, vis, roues, est externalisé. L’assortiment, quant à lui, soit spiral, roue d’échappement, ancre, balancier, provient de MHVJ (Manufacture Horlogère de la Vallée de Joux, propriété aujourd’hui du groupe Festina). De même pour la terminaison, le polissage des boîtes et la décoration des pièces, Magma fait appel à un dense réseau de fournisseurs.
CALIBRE CP3888, CLASSIQUE 43 par Cécil Purnell
Par ailleurs, un des domaines de prédilection de Cédric Grandperret est celui des matériaux. “J’aime tout ce qui est matière,” aime-t-il à dire, “et je suis tout particulièrement fasciné par le monde des aciers, car c’est un véritable monde que celui des super-alliages, ou encore celui de l’aluminium qui offre de très intéressantes perspectives.” Celui qui se présente plus volontiers comme un micro-mécanicien spécialisé en horlogerie qu’un horloger-constructeur a ainsi été fort critiqué pour avoir promu l’usinage à l’eau plutôt qu’à l’huile, y compris en cas de titane grade 5 ou de magnésium, des matériaux particulièrement durs. “J’aime casser les habitudes, chercher mais à condition que nouveaux matériaux comme nouvelles techniques apportent un véritable plus.” Comme d’autres, lui non plus ne croit pas trop à l’avenir du silicium: “c’est certes d’une grande précision de fabrication, mais c’est très cassant et, du point de vue de son ressort, ça se fatigue sur la durée. Non, au niveau fonctionnel, je préfère les aciers.” Encore modeste, Magma Concept, fort d’une dizaine de personnes, est néanmoins tout à fait représentatif de ces nouvelles structures de création et de production de mouvements compliqués, à forte valeur identitaire (c’est à dire des mouvements précisément adaptés aux marques auxquelles ils sont destinés). Des structures souvent composées d’un mélange de compétences croisées originaires tant de l’horlogerie que de la micro-mécanique, des matériaux que, dans le cas présent, de l’imagerie virtuelle. Ce qui n’empêche pas une vision par ailleurs traditionnelle de l’horlogerie. Ainsi Magma annonce-t-elle vouloir dans l’avenir faire certifier ses mouvements du Poinçon de Genève.
La suite? Toute l’année dans Europa Star
En trois vastes articles, nous avons tenté de brosser le tableau le plus complet possible de l’offre helvétique dans le domaine des mouvements mécaniques. Nombreux sont les ateliers, les maisons horlogères, les cellules de recherche et développement que nous n’avons pas pu couvrir. Mais une nouvelle rubrique régulière s’ouvrira dans Europa Star dès 2011 qui, numéro après numéro, rendra compte des ultimes développements dans ce secteur éminemment stratégique. Rendez-vous donc dès notre prochain numéro ES 1/11.
Source : Europa Star Première Vol.12, No 6