Le véritable acte de naissance de Tudor date de 1946, quand Hans Wilsdorf, le fondateur de Rolex, lança officiellement la société Montres Tudor SA. Le nom existait certes depuis 1926, année au cours de laquelle il avait été déposé, au nom déjà de Hans Wilsdorf, par la fabrique d’horlogerie “Veuve de Philippe Hüther”, et le même Hans Wilsdorf l’avait personnellement rachetée en 1936.
Mais c’est en ce mois de mars 1946 qu’elle prend véritablement son envol. En déclarant alors “depuis plusieurs années, j’ai étudié la possibilité de fabriquer une montre que nos concessionnaires puissent vendre à un prix plus bas que nos montres Rolex et qui soit digne de la même confiance traditionnelle”, Hans Wilsdorf, qui était déjà rentré dans l’histoire horlogère avec l’Oyster et la Perpetual, faisait à nouveau oeuvre de visionnaire et préfigurait ainsi les stratégies commerciales qui n’allaient être mises en oeuvre par tant de groupes et de marques que des décennies plus tard.
A cette époque, Rolex est déjà reconnu dans le monde entier pour la qualité et le prestige de sa production. Permettre ainsi à un public plus large d’avoir accès à une qualité garantie par la “maison-mère”, le faire profiter des avancées techniques et fonctionnelles, lui faire partager une esthétique, et lui donner accès à un réseau de distribution étendu au monde entier ainsi qu’à un service après-vente performant, tel était le programme et telles étaient les ambitions pionnières de Hans Wilsdorf avec Tudor.
L’évolution du logo de Tudor au fil des décennies illustre parfaitement le parcours de la marque. Au tout début, dans les années 1920 et 1930, apparaît seulement et simplement le nom Tudor – du nom de la célèbre dynastie qui régna longtemps sur l’Angleterre. Vers 1936, apparaît un logo composé de la rose emblématique des Tudor inscrite dans un bouclier. Une façon de symboliser les deux pôles de la marque, le style et l’élégance de la rose, et la force et la “technicité” du bouclier.Dès 1947, soit un an après le lancement de Montres Tudor SA, ce n’est plus que la rose qui figure sur les cadrans, manière de vanter avant tout le style élégant de la marque. Enfin, depuis 1969, la marque sortant nombre de pièces techniques, la rose disparaît au profit du seul bouclier, , mettant en avant les notions de robustesse et de fiabilité. Aujourd’hui, c’est toujours ce même bouclier, stylisé, anobli et semblable à un blason, qui apparaît sur le cadran des nouvelles montres Tudor.
“Punished without mercy”
Chose dite, chose faite: dès l’année suivante, en 1947, Tudor lance le modèle Tudor Oyster, suivi quelques années plus tard, en 1952, par la ligne Tudor Oyster Prince. Comme le nom “Oyster” l’indique, les premières montres Tudor reprennent à leur compte une des avancées techniques majeures de Rolex, dont la proximité apparaît d’ailleurs en toutes lettres sur les premières publicités Tudor de cette époque: on peut en effet y lire sous le logo Tudor la mention “Sponsored by Rolex”. Mais l’axe de communication de Tudor se distingue par sa “cible” clairement désignée: des travailleurs d’élite juchés sur une poutrelle au sommet d’un gratte-ciel, un motard sur une petite route de montagne ou encore un très étonnant (pour nos yeux contemporains) ouvrier manipulant un marteau pneumatique au-dessus du spirituel slogan “Punished without mercy! – Triumph of new self-winding watch”. Robustesse, fiabilité, précision sont donc puissamment mises en valeur.
Tudor se ménage ainsi sa place particulière dans le concert des marques et, au fil des ans, va accentuer encore son identité et son style particuliers, mélange de technicité et de modernité fondu dans une apparence qui reste toujours élégante. En 1952, après la participation de 30 montres Tudor Oyster Prince à une expédition scientifique au Groenland organisée par la Royal Navy, la marque décide d’approfondir encore la technicité fonctionnelle de ses montres, en mettant notamment au point une montre de plongée professionnelle, la Tudor Prince Submariner qui va être adoptée par la marine américaine entre 1962 et 1964 et par la marine française au début des années 1970 (jusqu’en 1984). S’ensuivent, toujours dans cet esprit, des modèles marquants, telle la Tudor Prince Date-Day ou, modèle particulièrement emblématique, la Tudor Oysterdate Chronograph qui voit le jour en 1970. Au cours des décennies suivantes, marquées notamment par la grande crise du quartz, puis par l’explosion de nouvelles marques de toutes provenances, Tudor, qui sort cependant de très intéressants modèles, comme l’Hydronaut de 1999, voit néanmoins sa singularité s’émousser peu à peu. Mais, durant cette période, Tudor reste cependant très puissante sur certains marchés, alors négligés, telle l’immense Chine continentale (ce qui, aujourd’hui, lui permet d’en récolter les fruits, avec plus de 300 points de vente et 25 boutiques en nom propre dans ce seul pays), et son image reste vivace dans bien d’autres régions du monde.
TUDOR ADVISOR (1957), TUDOR OYSTER PRINCE (1963), TUDOR PRINCE SUBMARINER (1964) |
Retour à l’identité fondatrice
C’est en 2009 que les choses sont reprises en mains, si l’on peut employer cette expression, et que Tudor est vigoureusement repositionnée et redéployée: nouveaux produits, nouvelle stratégie de communication, nouvelles collaborations, telle celle qui lie dès cette date Tudor à Porsche Motorsport et qui l’ancre dans le monde de la compétition automobile, de la technicité et du style. Ce que souligne le nouveau slogan en forme de double paradoxe: “Designed for Performance. Engineered for Elegance”.
Mais ce faisant, Tudor renoue essentiellement avec les valeurs de son passé, retrouve son identité fondatrice, “ce subtil équilibre entre la performance et l’élégance”, comme le formulent les responsables de Tudor. En d’autres termes, il s’agit d’affirmer les qualités techniques, de fiabilité, de robustesse d’une montre “qui soit digne de la même confiance traditionnelle”, pour rappeler ce qu’en disait Hans Wilsdorf en 1946. Mais, en fidélité toujours à ses racines, d’exprimer cette technicité sans jamais se départir de l’élégance naturelle qui est aussi la marque de Tudor.
Tout naturellement, ce retour aux sources s’accompagne d’un renouvellement de son public. Tudor cible désormais un public jeune, urbain, sensible à la sportivité comme au design, et désirant l’exprimer sans ostentation mais avec style.
C’est dans cet esprit qu’ont été conçus les nouveaux modèles et les nouvelles collections de Tudor, en cherchant à transcender l’utilitaire pour parvenir à proposer des objets aussi performants qu’émotionnels.
Une offre clairement dessinée
Trois lignes majeures se partagent la nouvelle offre de Tudor: la gamme sportive, avec les lignes Heritage, Grantour et Hydronaut, la gamme plus habillée Glamour et la gamme Classique.
TUDOR GRANTOUR |
Parmi celles-ci, la ligne Heritage est sans doute une des plus emblématiques du renouvellement actuel de Tudor. Après la nouvelle Hydro 1200 sortie en 2009 – une montre très technique, étanche à 1200 mètres, dotée d’une valve à hélium– et la Grantour, directement inspirée des voitures de Grand Tourisme et de son partenariat avec Porsche Motorsport - lunette en acier laquée noire, rappel des instruments de bord, bracelet en cuir perforé – le nouveau modèle Tudor Heritage Chrono revisite l’histoire de la marque et lui donne un nouveau souffle.
Inspiré directement du “mythique” Tudor Oysterdate des années 1970, ce chronographe automatique a été minutieusement revisité jusque dans ses moindres détails. Sa taille a été adaptée, passant des 40mm du modèle original aux 42mm actuels et son design, s’il conserve les lignes ergonomiques et sportives essentielles de la pièce d’origine, a été subtilement retouché. Le visage est resté parfaitement reconnaissable: un cadran gris, noir ou noir et gris, souligné de détails orange, des index blancs pentagonaux travaillés de façon à en accentuer l’effet tridimensionnel. La couronne centrale s’est vue dotée d’un renfort de protection, et les flancs de la lunette tournante comme les couronnes ont été finement moletés. Et les attaches du bracelet ont été totalement revues de façon à offrir la possibilité nouvelle de passer le Tudor Heritage Chrono au poignet soit sur un bracelet en acier, avec fermoir de sécurité, soit sur un nouveau bracelet en toile, tissé de bandes noires, grises et orange, et dont la boucle est directement inspirée des ceintures de sécurité de l’époque.
TUDOR HERITAGE CHRONO
La cohérence de cette nouvelle stratégie – puiser aux sources pour mieux se renouveler – est encore renforcée par les nouvelles lignes de la gamme Glamour, sortie l’année dernière, et tout particulièrement par les modèles Tudor Glamour Date et Tudor Glamour Double Date. Ce ne sont plus les années 1970 mais les années 1960 qui sont ici revisitées. Caractérisées d’emblée par une double lunette étagée sur deux niveaux, dotées de cadrans classiques guillochés en circulaire, d’un compteur petite seconde délicatement frappé de la rose Tudor stylisée, d’aiguilles feuilles évidées, d’un quantième à double guichet et d’une glace saphir bombée, les nombreuses variations de ces élégantes montres masculines arborent une taille de 42mm, sont étanches à 100m et sont équipées de mouvements mécaniques à remontage automatique.
TUDOR GLAMOUR DATE-DAY
Pour le long terme
Ce renouvellement en profondeur de l’offre de Tudor et son repositionnement très nettement dessiné et affirmé, est soutenu par une compétitivité certaine en termes de prix: entre 1’000€ et 3’000€ selon les modèles et les exécutions (l’intégralité de l’offre Tudor est en acier ou en bicolore et à 100% mécanique), soit un rapport qualité/prix exceptionnel pour le segment “Premium” auquel appartient Tudor. D’autant plus que, adossée aux réseaux de Rolex, Tudor offre à sa clientèle un dense réseau de services après-vente d’une qualité et d’une efficacité rares, garanti qui plus est sur le très long terme.
Avec ce repositionnement affirmé avec vigueur, dans ce nouvel environnement bien distinct, avec ce choix de retour aux fondamentaux historiques de la marque, revisités dans un esprit très contemporain, Tudor s’est donné les moyens de réoccuper la place singulière qui est la sienne. A l’heure où, suite à la crise, le consommateur est devenu plus attentif aux offres qui lui sont faites, plus sensible au long terme et à la qualité, la proposition de Tudor devrait naturellement trouver un large écho.
Source : Europa Star Première Vol.12, No 5