Depuis 1969, Eberhard était essentiellement l’affaire d’un homme, Palmiro Monti. Celui-ci en était devenu l’actionnaire de référence et le dirigeant dès cette date. Pendant près de 35 ans, jusqu’à sa disparition en 2005, Palmiro Monti s’ingénia à revivifier et à développer cette maison horlogère née à La Chaux-de-Fonds en 1887 et dont la spécialité a, depuis toujours, été le chronographe, avec, notamment, le premier chronographe de poignet en 1919 (avec un poussoir à 4h), puis, en 1935, le chronographe à deux poussoirs avec arrêt et redémarrage de l’aiguille sans remise à zéro, ou, en 1938, le premier chronographe avec compteur des heures suivi l’année suivante, 1939, par le premier chronographe à rattrapante.
Après la fin de la seconde guerre mondiale, la marque se distingue à nouveau dans ce domaine en lançant le mythique chronographe “Extra-fort”, caractérisé par sa remise à zéro à l’aide d’un poussoir coulissant. Quand Palmiro Monti reprend la maison en 1969, c’est bientôt le trou noir de la grande crise horlogère suisse, provoquée par la déferlante du quartz. Mais celui-ci ne va pas lâcher prise et va s’efforcer de poursuivre dans cette voie de l’horlogerie à fort contenu technique, en lançant en 1984 le Chronomaster, puis la collection Navymaster ou encore le chronographe “Tazio Nuvolari”, du nom du fameux coureur “fou” italien. En 1996, il frappe un grand coup en sortant la “8 Jours”, première montre – à remontage manuel – à atteindre cette performance, grâce à deux barillets dont un contient un ressort long d’1,35m! Mais positionné alors au prix de 2’600.-CHF, il est paradoxalement jugé “trop bon marché” à l’époque et ne rencontre pas le succès que méritait cette innovation.
Création d’une icône
Mais le modèle suivant créé par Palmiro Monti, quant à lui, frappera fort les esprits au point de devenir l’emblème absolu de la marque – et de le rester jusqu’à nos jours. C’est le fameux Chrono 4, créé en 2001, qui, exemple unique dans l’horlogerie, aligne quatre compteurs disposés horizontalement: heures, minutes, petite seconde et compteur GMT.
Cette disposition séquentielle particulière offre une lecture des temps courts à la fois immédiate et globale mais elle implique une construction assez complexe.
A la mort de Palmiro Monti, en 2005, l’entreprise est reprise par sa fille, Barbara Monti, secondée commercialement par son mari Mario Peserico. S’ensuit une période de réajustements, nécessaires car Palmiro Monti, personnage haut en couleurs, était pour ainsi dire l’âme unique de la marque. “Nous avons revu notre offre”, explique Mario Pesrico, “cherchant à l’adapter aux nouvelles donnes de l’horlogerie, en y apportant plus de valeur ajoutée et plus de fonctions horlogères tout en conservant l’âme de la maison.”
CHRONO 4 BAD BOY
Relancements
En 2008, Eberhard ressort ainsi la 8 Jours, en la faisant passer de 37mm de diamètre à 41mm. Puis c’est au tour de la Chrono 4 qui connaît plusieurs évolutions en passant de 40mm à 43mm: la Chrono 4 Grande Taille devient ainsi plus sportive en étant montée sur un bracelet caoutchouc et dotée de poussoirs et d’une couronne également recouverts de caoutchouc. Autre évolution, l’alignement des compteurs devient vertical dans l’étonnante Chrono 4 Temerario. De forme tonneau, ce chronographe arbore ses deux poussoirs à 11h et à 1h et une couronne de remontage disposée à 12h sous un petit volet escamotable.
Cette année, à BaselWorld, Eberhard a présenté un modèle encore plus fort et sportif de son icône: le Chrono 4 “Bad Boy”. Avec ses 46mm, ses formes puissantes, sa lunette tournante, son protège-couronne, l’architecture tridimensionnelle de son cadran, son échelle tachymétrique en km/h, ses 200m d’étanchéité, son bracelet caoutchouc qui semble sculpté dans la masse, ce chronographe mérite bien son nom et démontre les qualités évolutives du concept même de la Chrono 4.
La belle Gilda
Marque essentiellement technique, et donc masculine, Eberhard vient également de se lancer dans un créneau nouveau pour elle, la montre féminine. Et avec quelle grâce! Barbara Monti a créé une montre ovale en forme d’ellipse, galbée et bombée en tous sens et dont le fond gravé de délicates arabesques révèle le nom: Gilda. Avec ses cadrans très dépouillés, qui se déclinent en blanc nacre avec d’épais chiffres romains stylisés, ou en blanc satiné relevé par deux larges chiffres romains avec brillants sur appliques, ou encore en gris perle satiné traité “black or”, avec ses bracelets en alligator blanc perlé, ou composés de de rangs de 5 maillons aux flancs émoussés, ou enfin montée (une exclusivité) sur des lanières couvertes de diamants, c’est une des plus belles montres féminines de l’année. Un entrée dans un nouveau secteur fort réussie.
GILDA
Reconquête des marchés
Cette nouvelle ouverture d’Eberhard coïncide avec une reconquête programmée des marchés, notamment asiatiques. “A l’heure actuelle, nous écoulons environ 15’000 montres par an,” détaille Mario Peserico, “pour la moitié dans notre marché principal, l’Italie, où nous disposons de 300 points de vente, soit l’équivalent de nos points de vente à travers le reste du monde. Nous sommes donc à la reconquête de nouveaux marchés et, pour y parvenir, nous offrons, je crois, un rapport qualité/prix qui est très favorable, avec un prix moyen étagé entre 4’500.- et 5’000.-. A titre d’exemple, les prix de notre nouvelle collection Gilda, motorisée quartz, s’étagent de 3’000.- à 9’500.-, pour une qualité de produit qu’on peut véritablement qualifier de haut de gamme.”
Questionné sur la stratégie d’Eberhard en termes de mouvement, Mario Peserico est très direct: “Pour l’instant, sortir un mouvement manufacture ne nous est pas indispensable. D’autant plus que, dans la situation économique actuelle, l’approvisionnement en mouvements est facilement accessible et garanti. Nous travaillons donc essentiellement sur des bases ETA mais nous développons nos propres modules exclusifs, comme pour la 8 Jours ou pour le Chrono 4. Malgré leur hausse de prix, les bases ETA restent très avantageuses et sont d’une excellente qualité. Et par ailleurs, notre production est garantie 100% suisse, ce que tous ne peuvent pas prétendre. Nous pensons donc avoir le bon positionnement et la bonne offre pour développer nos marchés. C’est ce sur quoi nous nous concentrons aujourd’hui essentiellement. Nous pensons que le succès sera au rendez-vous car esthétiquement comme économiquement, notre offre est en adéquation avec l’air du temps. Le client en veut désormais pour son argent. C’est ce que nous lui offrons, en termes d’exclusivités mais aussi, et c’est essentiel aujourd’hui, en termes de service.”
Source: Europa Star Première Vol.12, No 4